mercredi 6 juin 2012

J'ai parlé trop vite, le controverse suscitée par l'affaire Acadia Subaru est bel et bien vivante...

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Dans mon billet du 12 avril dernier, j'attirais votre attention sur la décision de l'Honorable juge Marie-France Bich dans F.L. c. Marquette (2012 QCCA 631) (voir mon billet ici: http://bit.ly/Lb5Jv1) et j'exprimais l'opinion que la controverse suscitée par le libellé de certains passages de l'affaire Acadia Subaru c. Michaud (2011 QCCA 1037) était terminée. En effet, la juge Bich faisait une distinction claire entre les actions manifestement mal fondées, frivoles ou dilatoires et les cas où la demande en justice (ou l'acte de procédure) résulte d'un comportement vexatoire, quérulent, de l'utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable ou en vue de nuire à autrui. Elle soulignait ensuite que l'article 54.1 permettait de prononcer le rejet de l'action dans les deux cas. Ainsi, dans la mesure où le recours n'a pas de chance de succès, l'article 54.1 C.p.c. en permettait le rejet.


Et bien j'avais tort de prononcer la mort de cet imbroglio si rapidement. En effet, dans Bombardier Inc. c. Eagle Globe Management Ltd. (2012 QCCS 2423), la Cour supérieure vient rendre un jugement qui laisse encore planer le doute.

Dans cette affaire, l'Honorable juge Jean-François De Grandpré indique que l'inclusion du qualificatif "manifestement" à l'article 54.1 sous-tend une distinction claire avec le fardeau qu'impose l'article 165 (4):
[4] Le Tribunal peut donc sur demande ou d’office déclarer une procédure abusive et prononcer une sanction contre la partie qui agit de cette façon. 
[5] Le deuxième alinéa indique que cet abus peut résulter d'une demande en justice ou d'un acte de procédure manifestement mal fondé, frivole ou dilatoire ou d'un comportement vexatoire ou quérulent. Comme la Cour d'appel souligne dans Acadia Subaru, l'ajout du mot « manifestement » crée une distinction entre la disposition de l'article 165.4 et celle de l'article 54.1. 
[6] En effet, pour être rejetée en vertu de 165.4 du Code de procédure civile, une procédure n'a pas à être manifestement mal fondée; il suffit qu'en droit elle ne puisse être accueillie sans nécessairement être frivole, dilatoire, vexatoire ou abusive. 
[7] L'ajout du mot « manifestement » dans le deuxième alinéa de l'article 54.1 nécessite que la procédure qui pourrait être bien fondée relève plutôt d'un comportement vexatoire, quérulent, dilatoire ou d'une utilisation excessive de cette procédure.
Le jugement du juge De Grandpré contredit-il l'énoncé de la juge Bich? Difficile de le déterminer. Respectueusement, l'opposition que semble faire le juge au paragraphe 6 laisse sous-entendre que, contrairement à la situation qui prévaut sous l'article 165 (4), la démonstration qu'un recours n'a aucune chance de succès ne suffirait pas en vertu de l'article 54.1. Or, comme vous le savez, je suis fortement en désaccord avec cette position.

Cependant, l'ajout, au paragraphe 7, des mots "la procédure qui pourrait être bien fondée" laisse sous-entendre que le juge De Grandpré ne traite que des cas d'abus de procédure et non pas des cas où la procédure est vouée à l'échec (mais pourquoi alors parler de procédures manifestement mal fondées et de l'article 165 (4) ?).

Le juge De Grandpré étant, selon moi, un des meilleurs juristes siégeant présentement à la Cour supérieure, je dois en conclure que la question n'est toujours pas nette.

Bien sûr, comme je l'ai déjà souligné, la responsabilité pour cette confusion revient ultimement au législateur qui a choisi de traiter dans le cadre du même article des procédures manifestement mal fondées et des comportements abusifs. 

Comme George Bush, il semble que j'ai crié victoire trop rapidement. Reste maintenant à voir où la jurisprudence se dirigera sur la question.

Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/M91kqx

Référence neutre: [2012] ABD 184

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