mercredi 30 mai 2012

La Cour d'appel le réitère: le juge de première instance doit absolument confirmer la validité et la conformité de l'acte de vente lorsqu'il accueille une action en passation de titre

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Je traite régulièrement sur ce blogue de la souplesse grandissante dont font preuve les tribunaux québécois en matière de passation de titre afin de respecter, dans la mesure du possible, l'accord de volonté entre les parties. Reste que ce principe a des limites. Un de celles-ci, comme le confirme la Cour d'appel dans Jetté c. Alcindor (2012 QCCA 970), est que le juge de première instance doit absolument s'assurer de la conformité de l'acte de vente qui sera entériné par son jugement.


Dans cette affaire, l'Appelant s'attaque à un jugement qui a accueilli l'action en passation de titre de l'Intimé, prononcé des ordonnances à cette fin et déclaré la vente intervenue entre l'Appelant et un autre intimé inopposable à l'Intimé, en plus de condamner l'Appelant à payer à ce dernier une somme en remboursement des profits nets reçus par l'appelant à compter du 23 juillet 2007.

En accueillant l'action en passation de titre, le juge de première instance s'est inspiré des principes énoncés dans l'affaire Houlachi (dont nous avons déjà traité, voir notre billet ici: http://bit.ly/KHSPVk) et fait preuve de souplesse quant aux critères traditionnels de l'action en passation de titre. En outre, à l'égard de l'absence de contrat de vente conforme à l'entente intervenue entre les parties, son jugement prévoit:
[110] ACCORDE un délai de 5 jours à Raymond Alcindor pour amender le projet d’acte de vente selon les modifications convenues lors de l’audience du 27 avril 2010;
Selon la Cour d'appel, il s'agit là d'une trop grande souplesse. En effet, il ne saurait être question d'accueillir une action en passation de titre sans vérifier la conformité de l'acte de vente:
[50] Une telle disposition n'a pas de caractère exécutoire contrairement à ce qu'exige l'art. 469 C.p.c. D'une part, rien dans le jugement ne permet de savoir quelles sont « les modifications convenues lors de l'audience du 27 avril 2010 ». D'autre part, le juge de première instance n'est plus en mesure de vérifier si l'acte de vente à être signé respecte les conditions requises pour la passation de titre. 
[51] Cela va à l'encontre des règles énoncées par le juge Doyon dans l'arrêt Lafantaisie c. Deslauriers ( 2008 QCCA 2252 ) :
[74] L'article 292 C.p.c. permet sûrement de signaler aux parties l'existence d'une lacune dans la preuve des conditions préalables à une action en passation de titre et de leur permettre de les combler, mais j'estime, et ce, en toute déférence pour la juge de première instance, que l'article ne peut permettre d'ordonner de passer un acte que le tribunal n'a pas été en mesure de vérifier. Si cela était, tel que je l'ai mentionné précédemment, cette ordonnance ne pourrait être que source d'un nouveau litige. 
[75] Le jugement qui ordonne la passation de titre doit être exécutoire; d'ailleurs, à défaut pour les parties de s'exécuter, il équivaudra à titre. Il est donc essentiel d'identifier l'acte qui devra être signé.
[52] Le juge aurait dû ajourner l'audience pour permettre à l'intimé Alcindor de produire un acte de vente amendé que le juge aurait pu alors vérifier et, le cas échéant, entériner par son jugement. Ce n'est malheureusement pas ce qu'il a fait, en rendant de façon prématurée son jugement du 27 avril 2010.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/Kn3zJX

Référence neutre: [2012] ABD 174

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