mardi 13 mars 2012

Le bénéficiaire potentiel d'options pour l'achat d'actions ne se qualifie pas à titre de plaignant dans un recours en oppression

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Les tribunaux canadiens, au fil des années, ont été passablement libéraux sur la qualification d'un "plaignant" au sens des articles 238 et 241 de la LCSA afin de donner plein effet au recours en oppression qui y est prévu. Mais reste qu'ils imposent toujours des limites. L'affaire Couture c. Laboratoires d'essais Mequaltech inc. (2012 QCCS 844) illustre bien ce propos.


Le Demandeur intente dans cette affaire un recours en oppression pour forcer la Défenderesse à lui émettre des actions en raison d'une entente qui serait selon lui intervenue. Cette entente alléguée prévoit que la compagnie promet d'évaluer la participation du Demandeur et de lui donner l'opportunité d'obtenir des actions à une date future, sans toutefois prévoir de mécanisme particulier ou indiquer de quelle catégorie d'actions serait émise pour le Demandeur.

La Défenderesse conteste l'action, mais aussi la possibilité pour le Demandeur de se qualifier à titre de plaignant au sens des articles 238 et 241 LCSA. L'Honorable juge Claude Auclair est d'opinion que le Demandeur ne rencontre pas cette qualification.

D'abord, il n'y a pas vraiment de contrat solide selon lui:
Le Tribunal comprend de ce contrat :
1.5. Qu'une promesse de participation est accordée et sera évaluée au 1er avril 2008; 
1.6. Que le nombre d'actions attribué n'est pas spécifié; 
1.7. Que le nombre d'actions sera discuté à cette date;
1.8. Qu'aucune action ne sera cédée avant le 31 mars 2008.
[2] Mais quels sont les droits de Couture rattachés à son contrat d'engagement? Rien n'est précis; il bénéficie d'une promesse où l'on évaluera sa participation au 1er avril 2008, sans connaître la catégorie d'actions. Le seul droit que Couture a, c'est que tout sera discuté le 1er avril 2008. Il ne connaît pas à quel moment et à quel montant il pourrait exercer l'acquisition d'actions ni quelles seraient les modalités.
[3] La preuve révèle qu'il n'y aura pas d'actions d'émises à Couture, il n'y aura pas de discussion sur des modalités d'acquisition ou même de gel de la compagnie ou l'octroi d'option. Le dossier a traîné en longueur et, après avoir mandaté l'expert Giroux, Desautels n'a pas collaboré. Or, le rapport Giroux n'a été remis à Desautels que plus de six mois après sa première rencontre avec Couture, et ce, sans que Desautels n'en remette une copie à Couture ni ne lui révèle les fruits du rapport.
[4] Le contrat d'engagement ne précise ni la catégorie d'actions ni leur nombre ni des modalités d'acquisition et Couture voudrait que l'on importe les modalités discutées antérieurement et qui n'ont pas fait l'objet d'entente entre les parties de façon formelle. Le Tribunal est à même de constater que, malheureusement pour Couture, les versions sont contradictoires. De plus, ce dernier ne peut convaincre le Tribunal du pourcentage d'actions qui lui serait octroyé.
Ainsi, opine le juge Auclair, si la jurisprudence a déjà décidé que le bénéficiaire d'options pour l'achat d'actions n'est pas un plaignant au sens de la LCSA, alors c'est d'autant plus vrai pour le Demandeur en l'instance:
[15] Le juge Tessier, dans l'affaire Nurun analyse sous tous ses aspects la détention d'option et conclut que le détenteur d'option n'a pas la qualité requise de plaignant. Or, le détenteur d'option a plus de droits que Couture car il sait qu'il peut exercer ses options, à quel prix, pour qulle catégorie et à quelle période de temps.
[16] Dans notre cas, nous ne connaissons ni le nombre d'actions ni les modalités ni le montant du prix d'exercice car, selon l'entente, tout doit être discuté en avril. À la lecture de la pièce D-5 et des témoignages, on peut déduire que ni la formule d'octroi des actions ni la valeur n'a fait l'objet d'une entente. Couture ne bénéficie que d'une promesse de discuter d'actionnariat, sans autres tenants ni aboutissants. Il ne se qualifie donc pas en vertu de l'article 238 a).
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/wc4LAA

Référence neutre: [2012] ABD 80

Autre décision citée dans le présent billet:

1. Guénette c. Nurun inc., AZ-50117725 (C.S.).

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