par Karim
Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
En cette sortie du temps des fêtes, pourquoi ne pas prendre le temps de répondre à une des questions que chaque juriste se fait poser le plus souvent par les membres de son entourage familial: quels sont les droits d'un propriétaire eu égard à la mise en place d'une clôture mitoyenne. L'Honorable juge Robert Mongeon abordait récemment la question dans Lépicard c. Larocque (2011 QCCS 6367).
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
En cette sortie du temps des fêtes, pourquoi ne pas prendre le temps de répondre à une des questions que chaque juriste se fait poser le plus souvent par les membres de son entourage familial: quels sont les droits d'un propriétaire eu égard à la mise en place d'une clôture mitoyenne. L'Honorable juge Robert Mongeon abordait récemment la question dans Lépicard c. Larocque (2011 QCCS 6367).
Les Demandeurs dans
cette affaire sont propriétaires d'un vaste terrain comprenant, entre autres, un
lac artificiel, le lac Léon et un barrage servant à en contrôler le niveau.
L'ensemble de la propriété occupe une superficie de plus de 400,000
mètres carrés. Elle a été achetée en 2008. À l'intérieur de cet espace se
retrouvent deux propriétés enclavées, dont l'une est la propriété du
Défendeur.
Les relations entre les parties se sont détériorées à un point tel au cours des dernières années que des procédures judiciaires sont déposées. Ces procédures contiennent plusieurs conclusions recherchées par les Demandeurs, mais pour nos fins n'est pertinente que celle qui vise à forcer le Défendeur à clôturer sa propriété.
Les relations entre les parties se sont détériorées à un point tel au cours des dernières années que des procédures judiciaires sont déposées. Ces procédures contiennent plusieurs conclusions recherchées par les Demandeurs, mais pour nos fins n'est pertinente que celle qui vise à forcer le Défendeur à clôturer sa propriété.
Le juge Mongeon, après une étude de la législation applicable, souligne qu'il existe trois possibilités:
[47] L'article 1002 C.c.Q. se lit comme suit:
Tout propriétaire peut clore son terrain à ses frais, l'entourer de murs, de fossés, de haies ou de toute autre clôture.
Il peut également obliger son voisin à faire sur la ligne séparative, pour moitié ou à frais communs, un ouvrage de clôture servant à séparer leurs fonds et qui tienne compte de la situation et de l'usage des lieux.
[48] Cet article prévoit trois situations: la première est celle où un propriétaire désire clore son terrain à ses frais. Ce propriétaire construira alors l'ouvrage projeté sur son propre terrain, à ses seuls frais. Par conséquent, si les demandeurs veulent absolument clôturer leur propriété, ils peuvent le faire en construisant une clôture à l'intérieur des lignes séparatives des lots constituant leur héritage. Par contre, ils en assumeront la totalité des coûts.
[49] La seconde situation est celle où la clôture sera construite, d'un commun accord, sur la ligne séparative des lots des deux voisins. Dans un tel cas, les frais sont partagés. De plus, l'ouvrage doit tenir compte de la situation ou de l'usage des lieux.
[50] Cette seconde situation présuppose le consentement ou l'accord du voisin. Sans cet accord, la clôture ne peut être érigée que sur l'héritage du propriétaire qui désire clôturer et à ses seuls frais.
[51] En d'autres termes, les demandeurs peuvent, s'ils le désirent, clôturer leur héritage à leurs seuls frais ou encore obtenir l'accord du défendeur de construire une clôture mitoyenne à frais partagés. Ils ne peuvent, par contre, forcer le défendeur à clôturer son propre héritage à ses seuls frais.
[52] La troisième situation est celle où, en l'absence d'entente préalable, le Tribunal peut rendre une ordonnance forçant le voisin, qui refuse de collaborer à l'installation de l'ouvrage, tout en fixant les modalités de cette installation en fonction de la situation et de l'usage des lieux. Dans un tel cas, le voisin à qui on veut imposer un tel ouvrage mitoyen pourra se libérer de son obligation en abandonnant la lisière de terrain sur laquelle l'ouvrage mitoyen sera construit.
Ainsi, comme le souligne le juge Mongeon, il
n'est pas possible de forcer son voisin à construire une clôture entièrement à
ses frais. Qui plus est, même si l'on peut théoriquement forcer son voisin à
défrayer la moitié des coûts d'une clôture mitoyenne, encore faut-il faire la
preuve que les circonstances justifient une telle mesure:
[54] La question de savoir si un demandeur peut obliger son voisin défendeur à construire un ouvrage de séparation de leurs deux héritages à frais communs ou partagés s'est posée dans l'affaire Morin c. 9060-2988 Québec Inc., 2007 QCCQ 14409.
[55] Dans cette affaire, il s'agissait de décider si le demandeur pouvait imposer à son voisin un muret séparateur. Il s'est avéré qu'en l'absence du consentement du défendeur, ledit muret ne pouvait être construit à frais partagés, notamment parce que la situation et l'usage des lieux ne justifiaient pas une telle construction.
[56] Ici, la clôture proposée par les demandeurs (dont on ne connaît ni le modèle, la forme, la couleur, la hauteur, le prix ou le matériau à être utilisé) veut servir principalement à enfermer le défendeur chez lui et l'empêcher par tous les moyens de mettre le pied sur la propriété des demandeurs.
[57] Point n'est besoin de clôturer pour atteindre un tel résultat.
[58] De plus, la situation (zone récré-touristique dans les basses Laurentides) et l'usage des lieux (grand terrain bien isolé de la propriété résidentielle des demandeurs) ne suggère aucunement la nécessité de la construction d'une telle clôture.
[59] Encore une fois, si les demandeurs veulent à tout prix clôturer leur propriété pour en préserver le caractère privé et intime, libre à eux de le faire sur leur terrain et à leurs frais.
[60] Mais lorsqu'on recherche une ordonnance du Tribunal imposant l'érection d'une telle clôture mitoyenne pour séparer deux héritages, celui-ci doit être en mesure d'en déterminer les modalités eu égard à la situation et à l'usage des lieux. Pour cela, le Tribunal ne peut fonctionner dans l'abstrait. Il appartenait aux demandeurs de proposer d'abord au défendeur un plan d'installation, un modèle de clôture approprié, un estimé des coûts détaillé de manière à lui permettre d'accepter le tout ou de faire valoir une quelconque contre-proposition, y compris le fait de refuser de participer aux coûts de la construction et de l'entretien de la clôture en abandonnant la lisière de terrain sur lequel l'ouvrage mitoyen doit être érigé. Ces étapes préalables n'ayant pas été complétées, le Tribunal ne peut imposer quoique ce soit au défendeur.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/tEPMyR[61] Ici, les demandeurs n'ont rien fait de tel. Ils ont plutôt, dans un esprit de totale confrontation, cherché à forcer le défendeur à construire lui-même une clôture à ses frais, sur sa propriété et sans y contribuer.
Référence neutre: [2012] ABD 4
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