mercredi 11 janvier 2012

La personne qui joint un affidavit à une requête pour outrage au tribunal n'a pas à communiquer en plus un va-dire

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Pour ceux qui pratiquent en litige civil, les requêtes en outrage au tribunal sont une percée occasionnelle dans le domaine du droit pénal. En effet, il importe de toujours garder à l'esprit que les règles de communication de la preuve de droit pénal s'appliquent pleinement. Ainsi, la partie requérante devra produire des va-dire pour tous les témoins qu'elle entend appeler lors de l'audition. Est-ce dire que même que même la partie requérante elle-même, laquelle a joint un affidavit à sa requête, doit produire un va-dire? L'Honorable juge Steve J. Reimnitz répond à cette question par la négative dans Trudel c. Foucher (2012 QCCS 10).


Dans cette affaire, le Demandeur allègue que le Défendeur a contrevenu à une ordonnance de la Cour et il dépose une requête pour outrage au tribunal. Au soutien de cette requête, il souscrit un affidavit détaillé et se soumet à un interrogatoire sur ce même affidavit.

Dans le cadre de la gestion du recours, certaines ordonnances sont rendues quant à la communication de la preuve, incluant les va-dire de la partie demanderesse. À la date prévue, des déclarations écrites sont produites pour les témoins, mais pas pour le Demandeur lui-même. Le Défendeur plaide qu'il s'agit là d'un manquement important à la communication de la preuve et il demande un arrêt des procédures.

Le juge Reimnitz note d'abord que la procédure en matière d'outrage est strictissimi juris:
[15] Rappelons qu'en matière d'outrage au tribunal, la jurisprudence commande de considérer la procédure comme strictissimi juris, comme l'a établi la jurisprudence citée par Trudel dans Echostar Satellite Corp. c. Lis:
« [9] Rappelons « que l'outrage au Tribunal est strictissimi juris et de nature quasi pénale, vu les conséquences possibles, notamment l'emprisonnement. Les règles procédurales qui y sont relatives doivent recevoir une application stricte et rigoureuse » »
[16] Sur la question de la divulgation de la preuve, Trudel soumet au tribunal la décision du Centre hospitalier de l'université de Montréal c. Syndicat des travailleurs(euses) de l'hôpital Notre-Dame, où le juge Bishop a clairement établi :
24 1. Vu la nature quasi pénale de l'outrage au tribunal prévu par l'art. 50 C.p.C. et les conséquences possibles d'une condamnation, les principes fondamentaux du droit pénal du Québec, y compris l'art 33.1 de la Chartre québécoise ( et, selon le juge en chef Lamer, l'art. 11 c) de la Chartre canadienne), s'appliquent à la procédure en outrage, même lorsqu'il s'agit d'un litige entre des personnes du secteur privé (Vidéotron). 
[…] 
27 4. Ce droit à une défense pleine et entière comprend celui d'un accusé d'exiger une divulgation par le plaignant de tous les renseignements qu'il entend produire en preuve, y compris les déclarations écrites des témoins et les résumés ( ou "va dire" ) des témoignages anticipés, lorsqu'il n'y a pas de déclarations écrites ( Stinchcombe). »
[17] La requête en arrêt des procédures de Trudel se fonde sur l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Ce dernier est accusé au sens de l'article 7 de la Charte et considérant qu'il est un accusé, il bénéficie de tous les droits garantis qui existent en matière pénale et criminelle, tels ceux décrits ci-haut.
Par ailleurs, souligne le juge Reimnitz, la procédure doit demeurer sensée. Le Défendeur a déjà obtenu une déclaration écrite du Demandeur sous la forme d'un affidavit et eu la chance de procéder à un interrogatoire. Dans les circonstances, le Défendeur ne peut certes pas prétendre ne pas avoir eu communication de la preuve:
[18] On aura remarqué que dans les citations qui précèdent, on prévoit le droit d'obtenir des « va dire » soit des témoignages anticipés, lorsqu'il n'existe pas de déclarations écrites ! Or, c'est exactement le cas dans le présent dossier. Ne pas considérer l'affidavit signé par Foucher comme une déclaration écrite semble exiger l'application d'un rigorisme beaucoup trop grand.
[19] Trudel demande de suivre à la lettre les enseignements des tribunaux en matière de recours en outrage. Le tribunal veut bien, mais suivre à la lettre ne veut pas dire aveuglément. Ne pas considérer l'affidavit de Foucher équivaut à demander au tribunal d'appliquer aveuglément les enseignements des tribunaux.
[20] À l'appui de sa demande pour outrage au tribunal, Foucher a signé un affidavit et il a déjà été interrogé en vertu de cet affidavit. De l'avis du tribunal, l'exigence de divulgation de la preuve a été pleinement remplie.
[21] Il n'y a pas de forme précise aux déclarations (will say) que devaient fournir les témoins et particulièrement Foucher. Ces déclarations dont la forme n'est pas précisée n'ont pas de valeur plus grande qu'un affidavit sous serment qui décrit la position de Foucher, au contraire la déclaration faite sous serment contenue dans l'affidavit remplit adéquatement l'exigence de divulgation de la preuve.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/wTB1kj

Référence neutre: [2012] ABD 15

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