vendredi 16 décembre 2011

La scission d'instance peut être implicite

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Les articles 273.1 et 273.2 C.p.c. permettent expressément à une partie à des procédures civiles de demander la scission d'instance. Par ailleurs, selon le jugement rendu récemment par la Cour d'appel dans Kamar c. Regent Artistic & Athletic Management Services Inc. ("RAAMS") (2011 QCCA 2287), il est possible que cette scission aie lieu de manière implicite et sans requête de quelque partie que ce soit.


Les faits de l'affaire sont quelque peu complexes.

Le 17 février 2009, l'Honorable juge Hélène Langlois rend un jugement dans lequel elle ordonne à l'Appelant de rendre compte à l'Intimée. Le 17 février de l'année suivante, l'Honorable juge Richard Nadeau ordonne à l'Appelant de payer à l'Intimée le montant de 172 969,14 $, une somme qu'il aurait prétendument reconnu devoir dans sa reddition de comptes. L'Appelant se pourvoi contre les deux jugements en mars 2010.

L'Intimée demande le rejet des deux appels. Le premier parce que le délai pour en appeler est expiré depuis longtemps et le deuxième parce qu'il s'agit d'un jugement interlocutoire pour lequel une permission d'en appeler était nécessaire.

La Cour d'appel en vient à la conclusion que le premier appel n'est pas tardif. Au contraire, elle considère celui-ci prématuré. En effet, bien qu'il n'y a pas eu de demande expresse pour la scission d'instance, la Cour est d'avis qu'une scission implicite a eu lieu et que le jugement de février 2009 n'est que la première partie d'une action en réclamation de commission. Puisqu'il reste, après la reddition de compte, à déterminer le montant payable par l'Appelant, l'instance en Cour supérieure n'est pas terminée et pas encore sujette à appel:
[33] On est ici en présence d'une simple réclamation de commissions fondée sur un contrat de service. 
[34] À première vue, il peut sembler qu'il s'agit d'une simple question de procédure, voire de sémantique, mais tel n'est pas le cas puisque la qualification de la procédure est déterminante pour l'exercice du droit d'appel. 
[35] De façon à ne pas faire perdre de droit aux parties à la suite de l'erreur commise par l'avocat de RAAMS, erreur qui n'a pas été relevée en première instance par l'avocat de Cyril Kamar, il y a lieu de conclure à une scission d'instance au sens des articles 273.1 et 273.2 C.p.c. :

[...]  
[36] Il est vrai qu'il n'y a pas eu de demande formelle de scission d'instance et que les décisions ne seront pas rendues par le même juge; cela n'a pas empêché la Cour de conclure à une scission d'instance implicite dans l'affaire Hydro-Québec c. Groupe Bennett Fleet Inc.:
[1] À lire ce que les juges Lalonde et Lemelin ont écrit, il est évident que, même si les règles formelles pour obtenir une scission n'ont pas été suivies, en réalité, les parties étaient d'accord pour procéder d'abord sur la responsabilité et ensuite sur les dommages. 
[2] En conséquence, la Cour conclut qu'il y a eu scission de l'instance et que l'appel interjeté avant que les dommages ne soient déterminés ne pouvait être formé.
[37] Dans les faits, il faut reconnaître que la juge Langlois conclut que RAAMS a le droit de percevoir des commissions et elle a remis à un autre juge la tâche d'en déterminer le quantum. 
[38] Le jugement final sera celui qui sera rendu par le juge Nolet. 
[39] Il faut donc conclure que l'appel contre le jugement de la juge Langlois est prématuré.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/rQyWYO

Référence neutre: [2011] ABD 401

Autre décision citée dans le présent billet:

1. Hydro-Québec c. Groupe Bennett Fleet Inc., (2009) AZ-50555523 (C.A.).

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