mardi 6 décembre 2011

Dans le cadre d'une ordonnance de sauvegarde pour le paiement d'un loyer, le tribunal peut fixer un montant différent du loyer payable selon le bail

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

En juin de l'année dernière, nous attirions votre attention sur le courant jurisprudentiel qui refusait à un locateur de réclamer, par voie d'ordonnance de sauvegarde, le paiement des loyers échus tout en lui permettant d'obtenir une ordonnance pour les loyers à venir (voir http://bit.ly/TrKPsR). Or, dans Location Faubourg Boisbriand inc. c. Optique Amkel inc. (2011 QCCQ 14120), l'Honorable juge Daniel Dortélus précise que même si les tribunaux ont ce pouvoir, ils ne sont pas nécessairement tenus d'ordonner le montant mensuel prévu au bail.


Dans cette affaire, le tribunal est saisi d'une requête présentée par la Demanderesse, en vertu de l'article 46 du Code de procédure civil, pour l'émission d'une ordonnance de sauvegarde dans le cadre d'un recours en recouvrement de loyer. La Défenderesse ne conteste pas que le loyer est impayé, mais elle fait valoir que plusieurs représentations de la Demanderesse ne se sont pas matérialisées et ont affecté de façon importante ses revenus.

Pour le juge Dortélus, l'émission d'une ordonnance est justifiée puisque la Demanderesse rencontre tous les critères applicables :
[10] Le Tribunal constate que la défenderesse n'a pas soulevé de motifs sérieux pour soutenir que ces critères ne sont pas rencontrés, ce qu'elle recherche c'est de faire réduire substantiellement, le montant mensuel qui doit être accordé à titre d'ordonnance de sauvegarde.
[11] À ce stade des procédures, l’évaluation préliminaire et provisoire du fond du litige que doit effectuer le Tribunal permet de conclure à l’apparence de droit suffisante de la demanderesse car la convention de bail (pièce P-1) crée des droits incontestables en sa faveur.
[12] L’existence des arrérages dus et le défaut de la défenderesse de payer son loyer n’étant pas contestés, les droits de la demanderesse sont clairs.
[13] Dans l’affaire Centre commercial Plaza Centennial (2001) inc. c. 9146-8934 Québec inc., l’honorable Brian Bordan de la Cour supérieure écrit :
« […] la jurisprudence reconnaît que le fait de laisser une dette croître périodiquement, pendant la vie parfois longue d'un dossier, peut mener à des dommages irréparables, surtout dans des circonstances comme celles-ci où le défendeur admet avoir des problèmes financiers. L'exécution d'un jugement éventuel en faveur de la demanderesse serait à risque. »
Par ailleurs, les faits de l'affaire militent en faveur d'une mitigation du montant à être payé mensuellement selon le juge Dortélus:
[21] Le Tribunal tient compte des faits allégués dans l'affidavit du représentant de la défenderesse qui dresse un portrait de la situation dans laquelle elle se retrouve, qui s’apparente à une catastrophe commerciale et du caractère non frivole de la défense annoncée pour arbitrer à 5 000 $ par mois le montant que la défenderesse doit verser à la demanderesse durant l’instance, et ce, pendant qu’elle continue d’opérer son commerce dans les lieux afin de maintenir un certain équilibre entre les parties en attendant que soit décidé le litige au fond, ce qui rencontre, selon l’enseignement de la Cour d’appel, le but de l’ordonnance de sauvegarde.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/sL08iZ

Référence neutre: [2011] ABD 389

Autre décision citée dans le présent billet:

1.  Gestion Nomic inc. v. Les Immeubles Polaris (Canada) ltée, J.E. 97-1129 (C.A.).

Aucun commentaire:

Publier un commentaire

Notre équipe vous encourage fortement à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d'alimenter les discussions à propos de nos billets. Cependant, afin d'éviter les abus et les dérapages, veuillez noter que tout commentaire devra être approuvé par un modérateur avant d'être publié et que nous conservons l'entière discrétion de ne pas publier tout commentaire jugé inapproprié.