mardi 18 octobre 2011

Les critères à satisfaire pour pouvoir conclure à l'existence d'une société tacite en participation

Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Quels sont les critères qui doivent être rencontrés pour que l'on puisse conclure à l'existence d'une société tacite en participation? L'Honorable juge Stéphane Sansfaçon s'est penché sur la question dans l'affaire Payette c. Drolet (2011 QCCS 5270).


Dans cette affaire, le Demandeur réclame ce qu’il considère être sa part du gain de 7 478 715$ des Défendeurs à la Lotto 6/49 lors du tirage du 21 janvier 2006. Un des arguments qu'il fait valoir est qu'il existait entre lui et son ex-conjointe, la co-Défenderesse, une société en participation tacite qui lui donne droit à la moitié de ses gains.

Le juge Sansfaçon, appelé à trancher le débat, fait une revue de la jurisprudence pertinente et souligne que la co-habitation, aussi longue soit-elle, ne suffit pas à conclure à l'existence d'une société tacite en participation:
[30] Pour que l’existence d’un contrat de société tacite en participation puisse être reconnue, il faut que soit démontré :

a) un esprit de collaboration afin d’exercer une activité;
b) la contribution à cette activité par la mise en commun de biens, de connaissances ou d’activités par chacun des sociétaires;
c) l’intention que les bénéfices pécuniaires qui résulteront de la société soient partagés entre les sociétaires.

[31] La Cour suprême du Canada traite des conditions d’existence de ce type de société dans l’arrêt Beaudoin-Daigneault c. Richard. Bien que cette affaire était régie par les dispositions de l’ancien Code civil, les principes qui y sont développés s’appliquent à notre cas.

[32] La Cour écrit que pour que l’on puisse conclure en l’existence d’une telle société, il faut que trois conditions essentielles soient présentes :
a) Il faut qu’il y ait eu apport de chaque conjoint, et cet apport « ne doit pas être simplement sa contribution à la vie commune ». Même si l’apport de chaque conjoint est démontré, encore faudra-t-il qu’il n’y ait pas entre eux « une disparité telle que celle-ci constitue une fin de non-recevoir »;
b) Le vécu des conjoints doit démontrer qu’il y a eu partage des pertes et des bénéfices, soit un partage « effectué ordinairement par l’affectation des bénéfices à la subsistance des associés » et inversement, que « chacun des concubins contribue aux pertes dans la mesure où celles-ci affectent le niveau de vie du ménage »;
c) Les conjoints, « par leur comportement, doivent démontrer qu’ils étaient animés de l’affectio societatis », élément psychologique défini comme une « collaboration active et consciente – ce qui distingue la société de l’indivision -, sur un pied d’égalité – ce qui distingue le contrat de société du contrat de travail -, intéressée, c’est-à-dire en vue de partager des bénéfices ».
[33] Ainsi, la seule cohabitation, même pendant une période prolongée, ne suffira pas à démontrer l’existence d’une telle société : « le concubinage ne doit pas rendre plus facile la preuve d’un contrat de société ».
[34] De plus, si la contribution du conjoint ne relève que de la vie en commun du couple, elle ne pourra constituer une preuve de la société tacite.
[35] Dans C.B. c. S.Be., le juge de Grandpré applique ces principes et refuse de reconnaitre l’existence d’une telle société dans le contexte suivant:
« Les parties peuvent certes avoir formulé le désir de vivre ensemble et de fonder un foyer et d’avoir des enfants, ceci ne constitue pas une société au sens du Code civil. Il n’y a pas d’intention de commencer ou de partager des profits et des pertes ».
[36] Comme l’écrivent les auteurs Jean-Pierre Senécal et Me Murielle Drapeau: « Il faut en plus que cette aventure ait porté sur autre chose que la simple vie en ménage et ait eu comme objectif la réalisation d’un profit matériel ».
[37] À propos de la question spécifique de la détention d’un compte conjoint, la preuve de l’existence d’un tel compte ne fait pas preuve en soi d’une société tacite entre conjoints. Qu’un tel compte existe pourra toutefois être pris en considération à titre d’indice de l’existence d’une telle société.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/mUGCYu

Référence neutre: [2011] ABD 332

Autres décisions citées dans le présent billet:

1. Beaudoin-Daigneault c. Richard, J.E. 84-146 (C.S.C.). 
2. C.B. c. S.Be., J.E. 2003-1517 (C.S.).

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