lundi 29 août 2011

Il y a motif pour déroger à la règle générale en matière de dépens lorsque la partie qui a gain de cause a retardé l'instance en raison des nombreux moyens préliminaires présentés

par Karim Renno

L'article 477 C.p.c. pose la règle générale en matière de dépens. À moins que le tribunal en décide autrement par décision motivée, c'est la partie victorieuse qui obtient l'attribution des dépens. Reste que cet article accorde une grande mesure de discrétion au tribunal. Dans l'affaire Atieh c. Dectronique (1984) Inc. (2011 QCCS 4275), l'Honorable Gilles Blanchet en vient à la conclusion que le grand nombre de moyens préliminaires présentés par la partie défenderesse (et le retard conséquent dans l'instance) militait en faveur d'ordonner que chaque partie paie ses frais.


Le Demandeur présente une demande d'injonction interlocutoire, laquelle est rejetée par le juge Blanchet. Par ailleurs, notant le grand nombre de moyens préliminaires présentés par la Défenderesse (et leur succès relatif), il est d'opinions qu'il y a matière à exercer sa discrétion en matière de dépens:
[65] Selon l'article 477 C.p.c., la partie qui échoue dans sa procédure doit supporter les dépens « à moins que, par décision motivée, le tribunal ne les mitige, ne les compense ou n'en ordonne autrement ». 
[66] À l'occasion de la dernière réforme de la procédure civile au Québec, le législateur a clairement indiqué son intention d'abréger dans toute la mesure du possible les délais inhérents aux règles de procédures antérieures. L'article 4.2, par exemple, pose en ces termes ce qu'il est maintenant convenu d'appeler la règle de la proportionnalité [...] 
[67] L’article 159, issu de la réforme, dispose que les moyens préliminaires « doivent être dénoncés par écrit à la partie adverse avant la date de présentation de la demande introductive d'instance ». Et l'article 151.6 prévoit qu’à la date de présentation, le tribunal entend les moyens préliminaires ou en fixe l'audition. Enfin, l’article 110.1 dispose que les demandes en justice doivent être entendues ou inscrites pour enquête et audition dans un délai de rigueur de 180 jours à compter de la signification de la requête. 
[68] Or, dans le présent dossier, il aura fallu non pas 180 jours (6 mois), mais bien près d'une année complète pour disposer de dix (10) moyens préliminaires, tous dénoncés de façon successive entre novembre 2009 et juin 2010, donc après la date de présentation, fixée au 24 septembre 2009. De tous ces moyens préliminaires, trois seulement seront retenus, les autres étant soit rejetés, soit référés au juge du fond. 
[69] Puis de là, les procédures des parties seront amendées tour à tour, si bien que les demandes en injonction interlocutoire, d’habitude urgentes et prioritaires, ne seront pas entendues avant avril 2011, soit plus de 20 mois après la signification initiale. Toutes ces procédures, qui ont engendré des frais nécessairement considérables, ont provoqué en outre des délais qui ont pu avoir une incidence jusque sur le fond même des droits des parties. Comme on le constate par le présent jugement, en effet, la requête en injonction interlocutoire du demandeur aurait peut-être connu un sort légèrement différent si elle avait pu être plaidée à l'intérieur de délais plus raisonnables. 
[70] Compte tenu de ces circonstances, le présent jugement ne comportera aucune adjudication sur les dépens, chacune des parties devant dès lors assumer les siens.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/qAziHT

Référence neutre: [2011] ABD 283

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