lundi 8 août 2011

Il n'est pas toujours nécessaire de dénoncer avec précision l'identité de tous les témoins d'une partie dans la déclaration de mise au rôle

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Il n'est pas inhabituel de voir une partie à un litige civil, dans sa déclaration de mise au rôle, après avoir identifié certains témoins particuliers, d'inclure une catégorie de personnes telle par exemple "des représentants de la compagnie X qui témoigneront au sujet des questions de marketing". Est-ce un procédé acceptable ou la partie doit-elle identifier avec précision l'identité de chaque témoin dès ce stade? Selon la décision récente rendue dans Post-Graduate Students' Society of McGill University Inc. c. Canadian Federation of Students (2011 QCCS 3595), au stade de la déclaration de mise au rôle, l'utilisation d'une catégorie est parfois acceptable.


Dans cette affaire, la Déclaration de mise au rôle de la Demanderesse identifie trois témoins spécifiques en plus de la catégorie suivante: "Representatives from student societies who filed petitions to defederate". Finalement, la Demanderesse ajoute qu'elle appellera également d'autres témoins, mais qu'elle ne donne pas leur nom afin de les protéger. La Défenderesse juge ce procédé inapproprié et demande par requête que la Demanderesse soit forcée à révéler le nom de tous ses témoins.

L'Honorable juge Marie St-Pierre en vient à la conclusion que la requête n'est pas fondée en l'instance. Elle note d'abord que la divulgation est la règle, mais qu'elle n'est pas automatique:

[14] La divulgation est la règle, la non-divulgation l’exception.  
[15] Comme l’écrit mon collègue Jules Allard, un débat portant sur la divulgation s’examine à la lumière des éléments que voici:
· L’obligation qu’elle comporte (divulgation) en est une qui doit être exécutée, lorsqu’elle peut l’être, pour favoriser une meilleure administration de la justice, mais sans causer de préjudice.

· Le législateur a utilisé l’expression « raison valable » plutôt que « motif sérieux exceptionnel », indiquant par-là que la raison tient davantage de l’explication justificative que du motif.
 
· Notre droit procédural n’en est pas un de cachettes (…)

· Cette règle a été promulguée dans un objectif de simplification et est un moyen pratique d’arriver à un déroulement accéléré des procès.

· Ces objectifs ne doivent pas venir en contradiction avec le droit à une preuve pleine et entière.

· À cause du caractère particulier de la règle, la preuve à faire pour maintenir l’anonymat n’a pas à être très élaborée. Dès qu’une bonne raison apparaît du dossier et de l’affidavit circonstancié, il y a lieu de favoriser le non-dévoilement.
[16] Le Tribunal jouit donc d’une large discrétion lorsqu’appelé à déterminer si la raison invoquée par une partie pour ne pas dévoiler l’identité de témoins est valable.


Puisque les questions en litige sont bien connues des parties et que la Demanderesse a identifié les catégories desquelles proviendront les témoins additionnels, la juge St-Pierre exerce sa discrétion en faveur de la non-divulgation à ce stade:
[17] L’examen des procédures indique que les questions de fait et de droit en litige sont claires et que les parties savent ou devraient savoir à quoi s’attendre.  
[18] S’il est utile et agréable à une partie de connaître au plus tôt le nom de tous et chacun des témoins que son adversaire envisage de faire entendre, il n’est pas toujours nécessaire que ces informations lui soit communiquées avant qu’elle ne complète elle-même sa déclaration de mise au rôle.  
[19] Au présent dossier, la Défense peut préparer sa propre déclaration de mise au rôle sans connaître l’identité de tous et chacun des témoins que son adversaire envisage de faire entendre. Elle connaît les questions de faits et de droit en litige ainsi que la catégorie de laquelle proviendront les témoins annoncés mais non individualisés.  
[20] Dans ces circonstances, tenant compte qu’il s’agit d’un litige opposant des étudiants et des éléments de fait portés à sa connaissance quant à l’atmosphère régnant, le Tribunal exerce sa discrétion en faveur du maintien de la non-divulgation de l’identité des individus concernés pour le moment.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/qlsg2z

Référence neutre: [2011] ABD 258

Autre décision citée dans le présent billet:

1. Fournier c. Mentasti, AZ-50082486 (C.S.).

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