vendredi 27 mai 2011

L'exception d'inexécution ne peut s'appliquer qu'à l'égard d'obligations corrélatives

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

L'exception d'inexécution peut être un outil puissant dans les mains d'une partie contractuelle. Cependant, c'est à tort que certains croient que toute inexécution contractuelle justifie la partie co-contractante de cesser de remplir ses obligations. L'affaire Andy Transport inc. c. CAT inc. (2011 QCCS 2502) illustre bien ce propos.


La Demanderesse dans cette affaire est une compagnie faisant affaires dans le domaine du transport et de l'entreposage. La Défenderesse est une compagnie de transport international de marchandises générales. Celles-ci sont liées par une convention de sous-traitance en vertu de laquelle la Demanderesse fait du   camionnage pour la Défenderesse.

Le 25 mai 2006, le véhicule que la Demanderesse met à la disposition de la Défenderesse est volé. S'appuyant sur les dispositions relatives à l'assurance incluses à la convention, la Demanderesse réclame l'indemnisation d'une perte au montant de 212 778,45 $ qu'elle allègue avoir subie en conséquence du vol. La Défenderesse refuse cette réclamation.

Un des arguments de la Défenderesse au support de ce refus se fonde sur l'exception d'inexécution. En effet, elle fait valoir que la Demanderesse ayant fait défaut de fournir une chauffeur compétent (lequel serait responsable du vol du camion), elle ne peut être tenue de fournir la couverture d'assurance prévue à la convention entre les parties.

L'Honorable juge Hélène Langlois rappelle d'abord les principes applicables en matière d'exception inexécution:
[65] C.A.T. soutient qu'en vertu de la convention, les parties étaient tenues à des obligations synallagmatiques et dans les circonstances, elle plaide l'exception d'inexécution.
[66] Varga, vu sa conduite, ne peut pas être considéré un chauffeur compétent au sens de la convention et Andy ayant, à cet égard, contrevenu à son obligation, C.A.T. ne peut pas être tenue de lui offrir une couverture d'assurance.
[67] Au sujet de la défense d'exception d'inexécution, l'article 1591 C.c.Q. stipule :
«1591. Lorsque les obligations résultant d'un contrat synallagmatique sont exigibles et que l'une des parties n'exécute pas substantiellement la sienne ou n'offre pas de l'exécuter, l'autre partie peut, dans une mesure correspondante, refuser d'exécuter son obligation corrélative, à moins qu'il ne résulte de la loi, de la volonté des parties ou des usages qu'elle soit tenue d'exécuter la première.»
[68] Les auteurs Baudouin et Jobin quant à l'application de ce moyen de défense ont écrit :

«818 - Observations générales – L'exception d'inexécution118, aussi connue sous le nom latin d'exceptio non adimpleti contractus, permet à l'une des parties à un contrat synallgmatique, qui n'est pas tenue d'exécuter son obligation en premier, de refuser de le faire tant que son cocontractant refuse ou néglige d'exécuter la sienne, alors que celle-ci est exigible elle aussi.
[…]
824 - Moyen de défense – L'exception d'inexécution constitue essentiellement un moyen de défense à une demande en justice, instituée contre le contractant qui est lui-même victime d'une faute contractuelle; elle n'a pas pour effet, au contraire de la résolution, disposer de leurs droits139. Elle ne peut pas non plus être invoquée pour se libérer d'une clause d'un contrat140. Elle permet simplement la suspension de l'exécution de l'obligation du contractant qui l'invoque, jusqu'à l'exécution de l'obligation réciproque, laissant donc ouverts, en cas d'inexécution fautive, tous les recours prévus par la loi141. Lorsqu'elle réussit, cette défense entraîne le rejet de l'action, sous réserve du droit du demandeur d'instituer une autre action quand il aura exécuté, ou au moins dûment offert d'exécuter son obligation.
[…]
(Références omises)»
[69] Le contrat doit prévoir une exécution simultanée des obligations respectives dont il est question et alors «(O)n présume donc que le contractant … ne s'est engagé qu'en prévision de l'exécution simultanée de l'obligation réciproque».
Dans la présente affaire, la juge Langlois en vient à la conclusion que les obligations dont il est question ne sont pas des obligations corrélatives, de sorte que la Défenderesse ne peut se fier sur l'exception d'inexécution:
[70] Une telle défense ne trouve pas application dans les circonstances.
[71] L'obligation de C.A.T. quant à l'assurance et celle d'Andy de fournir un chauffeur compétent constituent des obligations distinctes dont la réalisation ne dépend pas l'une de l'autre.
[72] Il ne peut pas être question d'obligations à exécution réciproque alors que l'assurance ne prend effet que lors de la réalisation d'un risque, c'est-à-dire de la survenance d'un événement soudain ne relevant pas de la volonté de l'assuré.
[73] C.A.T. et Andy, à cet égard, n'étaient donc pas tenues à des obligations réciproques au sens de l'article 1591 C.c.Q.

Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/jU0yYi

Référence neutre: [2011] ABD 178

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