par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.
L'aveu est probablement le moyen de preuve le plus puissant en droit québécois. Par ailleurs, la question se pose régulièrement: est-il possible de formuler un aveu sur le droit? Qu'en est-il lorsque l'aveu porte sur une question mixte de droit et de fait? La récente décision de la Cour supérieure dans Construction G.S. Bolduc inc. c. Boutique Marie Claire inc. (2011 QCCS 267) nous apparaît intéressante justement parce qu'elle traite de ces deux questions.
Dans cette affaire, une des questions centrales est celle de déterminer s'il existe une délégation de paiement en faveur de la Demanderesse. Conformément aux principes applicables en la matière, c'est la Demanderesse qui a le fardeau de prouver que la Défenderesse avait l'intention de s'engager personnellement à effectuer les paiements. Or, la Demanderesse allègue l'existence d'un aveu extrajudiciaire sur la question, lequel serait contenu dans une correspondance provenant de l'avocat de la Défenderesse, laquelle se lit comme suit:
Dans cette affaire, une des questions centrales est celle de déterminer s'il existe une délégation de paiement en faveur de la Demanderesse. Conformément aux principes applicables en la matière, c'est la Demanderesse qui a le fardeau de prouver que la Défenderesse avait l'intention de s'engager personnellement à effectuer les paiements. Or, la Demanderesse allègue l'existence d'un aveu extrajudiciaire sur la question, lequel serait contenu dans une correspondance provenant de l'avocat de la Défenderesse, laquelle se lit comme suit:
Comme nous avons déjà eu l'occasion de vous le mentionner, Marie-Claire n'a eu d'autre choix que de suspendre ses paiements à Créature, après avoir constaté que celle-ci avait encaissé unilatéralement certains chèques pourtant faits à son ordre et à l'ordre conjoint des sous-traitants concernés (uniquement aux fins d'éviter quelque ennui que ce soit dans le cadre de l'obligation de Créature de payer ses sous-traitants, le tout conformément aux politiques de notre cliente et aux instructions de délégation de paiements reçus de Créature).
(les soulignements sont ceux du tribunal)
L'Honorable juge Christiane Alary doit donc déterminer s'il s'agit d'un aveu au sens du droit québécois. Elle note d'abord que la jurisprudence est constante à l'effet qu'il ne peut y avoir aveu sur une question de droit. Par ailleurs, elle souligne qu'il n'est pas toujours évident de déterminer s'il s'agit d'une pure question de droit:
[22] Boutique et le syndic soulèvent 1) qu'il ne peut y avoir aveu sur une question de droit et que 2) le paragraphe qui suit celui cité par Construction apporte une précision qui fait obstacle à l'aveu.
[23] Dans sa lettre, Me Benoît réfère aux « instructions de délégation de paiement reçues de Créature ».
[24] Il est reconnu que l'aveu ne peut porter sur le droit. Il n'est pas toujours facile de distinguer entre les faits et le droit. Dans la présente affaire, la référence à la délégation de paiement est une référence à un concept juridique. Par ailleurs, l'idée que des instructions relatives à ce concept juridique ont été reçues, réfère davantage aux faits.
Concluant qu'il s'agit ici d'une question mixte de droit et de faits, la juge Alary nous enseigne que, dans une telle situation, on se doit de déterminer quel est l'objet principal de la déclaration. Puisqu'elle en vient à la conclusion que cet objet principal touche ici une question de droit (la délégation), elle rejette la position de la Demanderesse qu'il existe un aveu extrajudiciaire:
[25] Selon l'auteur Jean-Claude Royer, face à une question mixte de fait ou de droit, il existe un aveu si l'objet principal de la déclaration est une question de fait.
[26] De l'avis du Tribunal, l'objet principal de la déclaration est relatif au concept de la délégation de paiement, et donc au droit.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/gHJ23k
Référence neutre: [2011] ABD 43
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