vendredi 28 janvier 2011

Pour obtenir la scission d'une instance, il faut qu’il existe un avantage marqué de procéder à la scission et qu’il n’existe pas d’autres moyens pour obvier aux problèmes que la demande a pour but de contourner

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Dans les causes complexes qui réunissent une multiplicité de parties, la scission d'instance est parfois une alternative intéressante. Par ailleurs, dans un jugement rendu le 21 janvier dernier, le juge en chef adjoint de la Cour supérieure, l'Honorable André Wery, est venu rappeller que la scission doit demeurer une mesure de dernier recours. Il s'agit de l'affaire 9091-9572 Québec Inc. c. Construction Module II inc. (2011 QCCS 132).


Dans cette affaire, la Demanderesse poursuit la Défenderesse et les autres défendeurs (ingénieurs, architectes et sous-traitants) pour une somme totale de 4 496 513 $ qui constituerait les dommages causés par ceux-ci (la procédure précise que ces dommages découleraient de déficiences et de vices de construction) lors des travaux à son immeuble. Avant l'audition au fond, la Défenderesse demande que le tribunal se penche d’abord sur la nature du contrat la liant à la Demanderesse : un contrat à forfait ou de gérance. Selon elle, la décision du tribunal à cet égard pourrait avoir pour effet de régler le sort d’une réclamation d’environ 4 M$ pour travaux qu’elle qualifie de « à compléter » sur un total de 4 496 513 $ réclamés par la Demanderesse, de même que celui de sa demande reconventionnelle de 2 403 023 $.

Le juge Wery rappelle d'abord les objectifs qui sous-tendent la scission d'instance:
[12] Cette disposition du Code donne au tribunal une mesure de gestion qui vise essentiellement à rendre le processus judiciaire plus efficace et plus juste pour toutes les parties lorsque les circonstances l’exigent. Avant l’amendement de 2003, cette mesure ne devait être appliquée que de façon exceptionnelle. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’évaluation du bien-fondé de l’application de cette mesure relève donc de la discrétion du tribunal.
[13] À titre d’exemple, si une mise en état simplifiée et une courte audition permettaient de déterminer qu’il n’y a pas de responsabilité de la part de la partie défenderesse, tout en évitant un long procès sur la question des dommages, il pourrait s’agir là d’un contexte, hormis toute autre considération, qui pourrait justifier la scission de ces deux questions.
Par ailleurs, souligne le juge Wery, il ne faut pas se tourner vers la scission dès qu'elle pourrait possiblement simplifier le débat. L'unicité de l'audition demeure la règle et il importe d'explorer toutes les autres possibilités avant de conclure que la scission est le remède approprié:
[14] La jurisprudence a retenu plusieurs critères que le tribunal devrait examiner pour décider s’il y a lieu ou non à une scission de l’instance.
[15] Ainsi, dans son jugement dans l'affaire Paape c. Yelle, 2007 QCCS 6099 , la juge St-Pierre décrit plusieurs de ces critères :

· Les questions à déterminer sont-elles simples ou complexes?
· Sont-elles distinctes des questions qui feront l’objet de la deuxième étape ou sont-elles intimement liées à celles-ci?
· Les parties ont-elles déjà consacré des ressources à l’ensemble des questions en litige?
· Une décision rendue à cette première étape est-elle susceptible de mettre fin au litige, de limiter le débat ou d’augmenter les chances d’un règlement?
[16] Enfin, il faut évaluer les avantages pouvant découler de la scission à l’aune du principe de l’unicité du procès qui transcende notre procédure civile. En effet, on connaît depuis longtemps les avantages de procéder le plus rapidement et une fois pour toutes à l’audition d’une cause au fond par rapport à des auditions partielles saupoudrées au fil du temps.
[17] C’est pour cette raison qu’il faut qu’il soit apparent qu’il existe un avantage marqué de procéder à la scission d’une instance et qu’il n’existe pas d’autres moyens pour obvier aux problèmes que la demande de scission a pour but de contourner. En effet, il faut éviter que la demande de scission ne devienne elle-même un procès dans le procès sur les mérites relatifs de la scission.
En l'instance, le juge Wery en arrive à la conclusion que cette démonstration n'est pas faite. En effet, il opine que les avantages de la scission proposée par la Défenderesse sont spéculatifs et qu'une gestion efficace du dossier pourra pallier à tout problème de duplication.

Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/e2VEWL

Référence neutre: [2011] ABD 33

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