lundi 17 janvier 2011

Le contenu d'une mise en demeure ne peut avoir pour effet de modifier les droits contractuels d'une partie

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Sans minimiser l'importance de rédiger une mise en demeure de manière appropriée, la Cour d'appel a récemment rendu un jugement dans lequel elle en vient à la conclusion que, en l'absence d'une renonciation explicite, une mise en demeure ne peut avoir pour effet de modifier les obligations contractuelles des parties. Il s'agit de l'affaire 9148-8064 Québec Inc. c. Mecka Nutreucical Inc. (2011 QCCA 33).


En juin et juillet 2008, l’Intimée fait défaut de payer le loyer dû à l’Appelante en vertu d’un bail commercial couvrant la période du 1er mars 2008 au 28 février 2011. Le 7 juillet 2008, l’Appelante fait parvenir à l’Intimée une mise en demeure lui réclamant le paiement du loyer dû dans un délai de 15 jours sous peine de résiliation du bail. Le dernier paragraphe de cette missive se lit comme suit:
Should you default from doing so, and pursuant to Section 16 of the Lease, the Landlord will consider the Lease as terminated and you will be forced to remit the key and vacate said premises on or before the expiration of the here above cited delay.
Le 12 juillet 2008, l’intimée vide les lieux et quitte sans payer. La juge de première instance ne fait droit à l’action de l’Appelante que pour le montant du loyer échu avant la résiliation du bail. Elle considère la mise en demeure comme un document contractuel clair : l’Appelante offre un choix à sa locataire, payer le loyer échu et certains frais, et ce, dans un délai de 15 jours, ou quitter les lieux à l’expiration de ce délai, le bail étant considéré comme résilié. Cette lettre ne contient aucune mention quant à un autre recours possible en vertu du bail ni aucune réserve précise quant au droit de l’appelante de réclamer des loyers au-delà du mois de juillet 2008, des dommages-intérêts ou d’autres dommages. Vu que le bail a pris fin, les réclamations autres que celles qui figurent à la mise en demeure sont donc nécessairement extracontractuelles et ne peuvent être justifiées selon les clauses du bail.

La Cour d'appel en vient à la conclusion que le raisonnement de la juge de première instance étaient erroné. En effet, sans renonciation explicite, une mise en demeure ne peut conduire à une modification des droits des parties:
[8] Avec égards, cette qualification de la lettre P-4 est erronée. Il ne s’agit nullement d’un document contractuel, mais de l’avis prévu au paragraphe 16.2 du bail P-2 qui permet à la locatrice de résilier le bail et de reprendre les lieux loués si la locataire est en défaut de payer le loyer « […] after it is due and after five (sic) (15) days notice from the Landlord ». Le bail prévoit expressément à son paragraphe 16.8 que la locatrice « may use any and all of the rights and remedies available to it under this Lease or at law or at equity if the Tenant defaults in observing or performing its obligations or if the Landlord is entitled to terminate the Lease. Those remedies will be cumulative and not alternative”. De plus, la preuve révèle que les représentants de l’appelante n’ont jamais entendu renoncer aux autres droits ou recours prévus au bail ou au Code civil du Québec.
[9] Par ailleurs, la preuve ne soutient pas la détermination de la juge de première instance que le représentant de l’intimée, monsieur Gauthier, avait compris de la lettre P-4 que, s’il quittait les lieux dans le délai prévu de 15 jours, les autres réclamations en vertu du bail seraient annulées.
Référence : [2011] ABD 19

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