mercredi 24 novembre 2010

L'obligation de prudence et de diligence de l'acheteur immobilier

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

On discute souvent vices cachés, mais il ne faut pas oublier l'obligation qui s'impose à chaque acheteur immobilier d'agir avec prudence et diligence. C'est la leçon que nous rappelle la Cour du Québec dans la décision récente rendue dans Tremblay c. Bélanger (2010 QCCQ 9902).


Les faits de l'affaire sont relativement simples. La Demanderesse prétend que le Défendeur lui a vendu une maison affectée de vices cachés. Conséquemment, elle réclame une indemnité correspondant au coût de la réfection, en plus de certains dommages. Le Défendeur conteste, soutenant que la demanderesse a été négligente avant d’acheter. En particulier, il fait valoir que la Demanderesse n'a pas agit de façon prudente et diligente dans son inspection de la maison avant d'en faire l'achat.

S'appuyant sur des autorités bien connues en matière de vices affectant un immeuble, l'Honorable juge Pierre Lortie rappelle qu'un acheteur a certaines obligations de prudence et diligence avant de procéder à l'achat d'un immeuble:
[35] Le juge Lachapelle, dans Papazian c. Hébert, examine les définitions du dictionnaire Le Petit Robert. Ainsi, la prudence réfère à la personne qui prend les dispositions pour éviter les erreurs, qui s'abstient de tout ce qu'il croit pouvoir être source de dommages. La diligence est la qualité de celui qui s'applique avec soin à ce qu'il fait. Le juge Lachapelle ajoute que le critère de l’acheteur prudent et diligent est plus exigeant que celui applicable à la personne raisonnable. En somme, « celui qui procède à l'examen doit être attentif, actif et poser les questions ».
[36] Selon la même logique, dans Brisebois c. Ouimette, la juge Courville développe la question :
[17] L'acheteur doit procéder à un examen sérieux, car même si la découverte du vice présente quelque difficulté, il n'en reste pas moins que la possibilité de le découvrir suffit pour qu'il ne soit pas caché. La présence de signes révélateurs ou d'indices susceptibles de soulever des soupçons constitue un élément à considérer aux fins de déterminer si l'acheteur a agi avec la prudence et la diligence requises par la loi.
[37] Pour sa part, la juge St-Pierre s'exprime ainsi dans Carrier c. Malette :
[49] En matières immobilières, l'acheteur d'une maison construite depuis de nombreuses années ne peut penser être traité comme l'acquéreur d'une maison neuve. […]

[50] En présence d'indices laissant présager un défaut, l'acheteur doit faire preuve de prudence et de vigilance accrues. En certaines circonstances, il lui faut pousser son enquête jusqu'à découvrir la cause et l'étendue du problème. […]

[51] De l'acheteur, la présence d'indices exige d'autant de prudence que le bien est " d'un certain âge ou d'un âge certain ".
[38] Dans l’arrêt ABB inc. c. Domtar inc., la Cour suprême rappelle que « l’acheteur a une obligation de se renseigner en procédant à un examen raisonnable du bien ».
À la lumière de ces principes juridiques, le juge Lortie analyse la preuve et en vient à la conclusion que la Demanderesse ne s'est pas comporté de manière prudente et diligente dans l'inspection de la maison:
[40] D'une part, le Tribunal ne peut faire abstraction de certains éléments contextuels. Ainsi, le défendeur n'avait pas officiellement mis sa maison en vente; c'est la demanderesse qui a initié le processus. De plus, l'évaluation municipale s'établissait à 66 200 $. Or, le prix de vente a été fixé à 58 000 $, montant qui inclut divers appareils. La réclamation de la demanderesse totalise 54 300 $.

[41] D'autre part, et plus fondamentalement, le Tribunal conclut que la demanderesse n'a pas agi avec diligence raisonnable :
1) Lors de la visite, elle n'a pas posé de questions concernant l'âge de la maison.

2) Elle n'a pas porté attention à l'état du toit. Peu après la prise de possession, un problème d'infiltration est survenu. Même si le présent litige ne concerne pas cet aspect de la maison, un tel comportement reflète une certaine désinvolture lors de la visite des lieux.

3) Le Tribunal retient la version crédible des témoins appelés par la défense : la rondeur sur le mur 2 était visible de l'extérieur et de l'intérieur. Cet élément est corroboré par l'expert Danny Fortin.

4) La demanderesse a constaté la présence d'une fissure dans le secteur de l'annexe. 
5) L'expert Fortin est formel : une personne attentive aurait décelé un problème relié aux fondations. Un inspecteur préachat aurait poussé plus loin et identifié une situation qui remonte à plusieurs années avant la vente.  
6) M. Fortin ajoute que la pente négative et le sol argileux constituent également des signes.
[42] En outre, la preuve ne révèle pas que le demandeur ait « masqué » les fondations.

[43] Le Tribunal conclut que la demanderesse n'a pas agi en acheteur prudent et diligent. D'une part, elle n'a pas exécuté son obligation de se renseigner. D'autre part, les nombreux signes auraient dû l'inciter à pousser plus loin ses vérifications, ce qui lui aurait permis, suite à une inspection préachat, de découvrir le problème de poussée latérale sur le mur 2.

[44] Pour toutes ces raisons, la demande principale est rejetée
Référence: [2010] ABD 169

Autres jugements cités dans le présent billet:

1. Papazian c. Hébert, B.E. 2000BE-293 (C.Q.).
2. Brisebois c. Ouimette, AZ-50098275 (C.S.).

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