mardi 12 octobre 2010

Dans certaines conditions, l'introduction d'une action manifestement mal fondée peut constituer un abus au sens des articles 54.1 C.p.c. et suivants

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Nos lecteurs connaissent maintenant bien notre prédilection pour les jugements traitant de l'interprétation à donner aux nouveaux articles 54.1 C.p.c. et suivants. C'est pourquoi nous désirons attirer votre attention au jugement récent de la Cour supérieure dans Firgrove Holdings Inc. c. Bouchard (2010 QCCS 4601) qui traite de la possibilité de déclarer abusives des procédures au motif qu'elles sont manifestement mal fondées, même en l'absence d'abus de la procédure après l'institution des procédures.


Dans cette affaire, la Demanderesse poursuit le Défendeur en vertu d'un billet à ordre. Le Défendeur plaide la prescription du recours, en demande le rejet et prétend que l'action est abusive puisque manifestement mal fondée et introduite dans le seul but de lui nuire.

L'Honorable juge Paul Chaput constate d'abord que le recours est manifestement mal fondé puisque prescrit, en plus du fait que le Défendeur ne s'était jamais engagé personnellement dans la relation contractuelle. Traitant de la question de savoir si le recours peut se qualifier d'abus au sens du Code de procédure civile, il cite l'affaire Royal Lepage commercial inc. c. 109650 Canada Ltd.:
[47] En l’espèce, il n’est question que du premier cas visé : l’abus résultant de l’introduction ou la poursuite d’une demande mal fondée.
[48] Dans l’arrêt Royal Lepage commercial inc. c. 109650 Canada Ltd., concluant son exposé sur l’abus de droit, le juge Dalphond écrit :
«[45] Pour conclure en l’abus, il faut donc des indices de mauvaise foi (telle l’intention de causer des désagréments à son adversaire plutôt que le désir de faire reconnaître le bien-fondé de ses prétentions) ou à tout le moins des indices de témérité.

[46] Que faut-il entendre par témérité? Selon moi, c’est le fait de mettre de l’avant un recours ou une procédure alors qu’une personne raisonnable et prudente, placée dans les circonstances connues par la partie au moment où elle dépose la procédure ou l’argumente, conclurait à l’inexistence d'un fondement pour cette procédure. Il s’agit d’une norme objective, qui requiert non pas des indices de l’intention de nuire mais plutôt une évaluation des circonstances afin de déterminer s’il y a lieu de conclure au caractère infondé de cette procédure. Est infondée une procédure n’offrant aucune véritable chance de succès, et par le fait, devient révélatrice d’une légèreté blâmable de son auteur. Comme le soulignent les auteurs Baudouin et Deslauriers, précités : « L’absence de cette cause raisonnable et probable fait présumer sinon l’intention de nuire ou la mauvaise foi, du moins la négligence ou la témérité ».
Le juge Chaput retrouve cet élément de témérité en l'instance. Selon lui, la Demanderesse savait ou aurait du savoir que son action n'avait aucune chance de succès. Ainsi, il en vient à la conclusion que l'action était abusive au sens des articles 54.1 C.p.c. et suivants.

Référence: [2010] ABD 122

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