N'ayant pas été en mesure d'acquérir à temps une propriété pour laquelle il bénéficiait d'un pacte de préférence, le demandeur poursuit les vendeurs et l'acheteur en annulation de la vente de la propriété en question ainsi qu'en dommages-intérêts. Traitant d'abord de la question de savoir si le demandeur peut même formuler cette réclamation, le juge Crête rappelle le cadre législatif applicable:
[49] L'article 1397 C.C.Q. prévoit que:
"Le contrat conclu en violation d'une promesse de contracter est opposable au bénéficiaire de celle-ci, sans préjudice, toutefois, de ses recours endommages-intérêts contre le promettant et la personne qui, de mauvaise foi,a conclu le contrat avec ce dernier. Il en est de même du contrat conclu en violation d'un pacte de préférence."
[50] Voici les commentaires du ministre de la Justice sous l'article 1397 C.C.Q.:"Cet article règle la situation du bénéficiaire d'une promesse de contracter ou d'un pacte de préférence, aussi appelé promesse d'offre préalable, lorsque le promettant, au mépris de sa promesse de conclure avec lui le contrat ou de lui accorder préférence, conclut le contrat avec un tiers.
La règle qu'il pose paraît préférable à celle qui aurait prévu, en présence d'un tiers de mauvaise foi, l'inopposabilité du contrat conclu en violation de la promesse. Cette règle n'aurait offert qu'une solution incomplète, notamment à l'égard de certains contrats à exécution instantanée; elle aurait été également susceptible de remettre en cause les contrats postérieurs, conclus par le tiers de mauvaise foi avec des contractants de bonne foi, au détriment de la stabilité des transactions."
À partir de ceux-ci, le juge Crête constate que le législateur a favorisé la stabilité des transactions au détriment du droit du créancier à l'exécution en nature. Ainsi, seul le recours en dommages et intérêts est possible:
[52] Ainsi, le bénéficiaire d'un pacte de préférence ne peut réclamer que des dommages-intérêts du promettant pour non-respect du pacte et, en cas de mauvaise foi, du tiers acheteur.
[53] Pierre-Gabriel Jobin expliquait ainsi les différences entre le principe qui prévalait sous le Code civil du Bas-Canada et celui qui prévaut dans le Code civil du Québec depuis 1994:
"L'intérêt s'est porté sur les effets du pacte de préférence. En cas de violation, on s'est accordé à reconnaître au bénéficiaire un recours en dommages-intérêts; en revanche, selon la majorité des autorités, le bénéficiaire n'acquérait pas de droit réel et ne disposait pas d'un recours en passation de titre ou en résolution de la vente consentie à un tiers, dans le droit du Code civil du Bas-Canada. Dans une disposition nouvelle, le Code civil du Québec codifie la jurisprudence majoritaire et exclut clairement le droit du bénéficiaire d'attaquer la vente consentie à un tiers ou d'exiger la passation du titre. Quand le propriétaire a vendu à un tiers ou que, ayant décidé de vendre, il n'offre pas le bien au bénéficiaire, celui-ci peut donc obtenir du propriétaire la compensation du préjudice qu'il subit; contre le tiers qui a acquis le bien de mauvaise foi, le bénéficiaire peut aussi obtenir des dommages-intérêts; mais ses droits s'arrêtent là.[54] Dans l'affaire Viel c. Entreprises Immobilières du Terroir ltée en 2002,la Cour d'appel confirme qu'il n'est plus possible, sous le nouveau code civil, de demander l'exécution en nature du promettant et du tiers qui a agi de mauvaise foi et en contravention à son droit:
"Eu égard aux faits particuliers de l'espèce, le sort du pourvoi repose essentiellement sur une question de droit transitoire. Le droit ancien reconnaît, dans certains cas, au bénéficiaire d'un pacte de préférence le droit d'exiger en nature du promettant et du tiers qui, de mauvaise foi et à la suite de manœuvres frauduleuses, ont conclu un contrat en violation de son droit. Le droit nouveau rejette cette mesure."[55] L'année suivante, la Cour d'appel réitérait que seuls des dommages-intérêts peuvent être demandés:
"Que l'on qualifie l'entente qui serait intervenue entre Brodeur et l'appelant de promesse de contracter ou de pacte de préférence, la solution retenue par le législateur à l'article 1397 C.c.Q. est la même: le
contrat conclu même de mauvaise foi en violation de la promesse de contracter ou du pacte de préférence est opposable au bénéficiaire. La mauvaise foi du tiers sera,le cas échéant, sanctionnée par le recours en dommages-intérêts."
Référence : [2010] ABD 75
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