lundi 16 août 2010

Cassation de saisie avant jugement : au stade de la véracité, il est trop tard pour soulever l’insuffisance des allégations

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Les requêtes en cassation d’une saisie avant jugement peuvent avoir comme assise soit l’insuffisance des allégations au support de la demande de saisie ou la contestation de la véracité desdites allégations (art. 738 C.p.c.). Habituellement, ces requêtes sont entendues en deux temps, la Cour ne procédant à l’analyse de la véracité des allégations que si elle les a jugées suffisantes lors d’une première audition. Ce dernier jugement (sur la suffisante) est-il final ou est-il susceptible de révision par la Cour lors de la deuxième étape. C’est là une des questions à laquelle répond la Cour dans Syndicat de copropriété de Villa du golf c. 9133-8434 Québec inc. (2010 QCCS 3477).


Dans cette affaire, le demandeur, un syndicat de copropriétaires, a saisi avant jugement les balances de vente dues par les copropriétaires à aux défendeurs. Ces derniers attaquent la saisie pour les deux motifs classiques. Lors de la première phase de l’audition sur la cassation, l’Honorable juge Kirkland Casgrain rejette la requête en annulation de la saisie au motif d'insuffisance de l'affidavit.

Lors de la deuxième phase, celle de la véracité, le demandeur fait valoir ses prétentions, lesquelles incluent un retour sur la question de la suffisance des allégations. Or, l’Honorable juge Claudine Roy est d’avis que ce chapitre est clos et qu’il n’est pas loisible au demandeur de revenir sur la question :
[8] Le Tribunal est d'avis que, de manière générale, la véracité de l'affidavit a été prouvée prima facie et qu'il ne peut annuler la saisie au motif de fausseté de l'affidavit. Contrairement à la prétention des défendeurs, le Tribunal ne peut revenir sur la suffisance de l'affidavit, cette question a été décidée dans le jugement du juge Casgrain.

[…]

[37] Toute l'argumentation des défendeurs repose sur la prétention que les allégations de l'affidavit ne sont pas suffisantes pour justifier la saisie.

[38] Ils invoquent que :
• la créance est loin d'être claire;
• l'absence de preuve d'une intention malicieuse de soustraire leurs biens à leurs créanciers;
• l'absence de preuve de gestes frauduleux;
• une simple appréhension de ne pouvoir exécuter un jugement n'est pas suffisante pour effectuer une saisie avant jugement.


[39] Le Tribunal n'a pas à statuer ici sur la suffisance des allégations; le juge Casgrain a déjà statué sur cette question.
Il s’ensuit donc que le juge saisi de la question de la véracité des allégations au support d’une demande de saisie avant jugement ne peut se pencher sur la question de la suffisance, laquelle a déjà été tranchée. Ceci étant dit, ceci ne fait pas du jugement sur la suffisance un jugement final pour autant. En effet, dans Location Rolland Fortier inc. c. L'Ange-Gardien (Municipalité de) (J.E. 2003-423) le juge Rochette de la Cour d’appel refusait la permission d’en appeler d’un jugement sur la suffisant, étant d’opinion qu’il n’était pas final, et ne satisfaisait pas aux critères de l’article 26 C.p.c., tant que la question de la véracité n’était pas réglée.

Comme le dirait un de mes jeunes cousins, « bon à savoir! ».
 
Référence : [2010] ABD 64

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