vendredi 30 juillet 2010

L'ordonnance de sauvegarde n'est pas le moyen approprié pour obtenir le paiement d'une créance, même si elle est admise

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Récemment, nous avions traité sur ce blogue de l'affaire Commission scolaire English-Montréal c. Collège Rachel (voir http://bit.ly/IUufye) où la Cour supérieure posait le principe voulant que l'ordonnance de sauvegarde n'était pas le moyen approprié pour obtenir le paiement de loyers échus. Or, une décision récente vient réitérer ce principe, cette fois dans le cadre d'une réclamation découlant d'un contrat d'entreprise.


L'affaire Construction GCEG Inc. c. TRI Immobilier, s.e.c. (2010 QCCS 3348) implique une relation entre un entrepreneur (la demanderesse) et un maître d'ouvrage (la défenderesse). Suite à l'exécution du contrat, la demanderesse poursuit en vue d'obtenir le paiement d'un solde contractuel de 331 364,28 $. Dans sa requête introductive d'instance, elle allègue que la défenderesse aurait admis, dans une communication écrite, lui devoir 147 006,26 $ à titre de "solde à payer sur le projet". Malgré cette admission alléguée, la défenderesse refuse toujours de verser cette somme à la demanderesse. Étant donné ces circonstances, la demanderesse s'estimait injustement privée du paiement d'une partie des travaux qu'elle a exécutés et requierait l'émission d'une ordonnance de sauvegarde pour pallier à cette situation.

L'Honorable juge François Huot refuse la demande d'ordonnance de sauvegarde. Après une revue exemplaire de la jurisprudence pertinente, il conclut que l'ordonnance de sauvegarde n'est pas le moyen approprié pour obtenir le paiement d'une créance, même s'il est allégué que celle-ci fait l'objet d'une admission de la partie défenderesse:
[22] Cette opinion apparaît conforme aux enseignements de la Cour d'appel du Québec selon lesquels l'ordonnance de sauvegarde ne représente pas un recours approprié pour l'obtention du paiement d'une créance. Dans l'arrêt Provident, Compagnie d'assurance-vie et accident c. Denys Chabot, l'honorable juge Morissette mentionne en effet ce qui suit:
"Notons tout d'abord qu'une proposition ou un principe simple trouve de solides appuis dans la jurisprudence: l'injonction n'est pas le recours approprié pour obtenir le paiement d'une créance. C'est en ces termes même que le juge Gendreau énonçait la proposition dans l'arrêt Sporting Club du Sanctuaire Inc. c. 2320-4365 Québec Inc., [1989] J.Q. 2070, où il exprimait l'opinion majoritaire de la Cour. Mais, la proposition n'était pas nouvelle et on en avait déjà une illustration dans l'arrêt Trois-Rivières (Cité de) c. Syndicat national catholique des employés municipaux de Trois-Rivières, [1962] B.R. 510 . "
[23] Le Tribunal conclut donc qu'il serait inopportun d'émettre une ordonnance de sauvegarde dans la présente affaire, la somme de 147 006,26 $ correspondant, selon les prétentions de la demanderesse-requérante, à des arrérages déjà encourus. Contrairement aux situations décrites dans la jurisprudence citée par la demanderesse-requérante, le Tribunal n'est pas, comme dans les cas de baux commerciaux où les parties maintiennent leurs relations contractuelles malgré l'existence d'un différend économique, en présence d'une conduite abusive dont l'effet préjudiciable s'aggraverait avec l'écoulement du temps.

[24] Ces considérations suffisent à disposer du présent litige.
Le juge Huot souligne que, de toute façon, les autres critères de l'ordonnance de sauvegarde, les mêmes selon la Cour que ceux de l'injonction provisoire, n'étaient pas rencontrés. En effet, la demanderesse ayant enregistré une hypothèque légale sur l'immeuble pour lequel les travaux ont été effectués, elle ne souffrait pas d'un préjudice irréparable du non-paiement de la créance.
 
Référence : [2010] ABD 47

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