lundi 28 juin 2010

Dénonciation d'un vice caché: la Cour du Québec adopte une approche pratique

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

En matière de vices cachés, l'article 1739 C.c.Q. fait toujours couler beaucoup d'encre. Celui-ci requiert qu'une personne qui constate l'existence d'un vice caché le dénonce par écrit au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. En apparence, la règle posée par cet article apparaît rigide, mais certains jugements de la Cour du Québec sont venus amoindrir la portée de cette obligation lorsque les circonstances le justifient.

La décision récente de la Cour du Québec dans Clarke c. Moriello (2010 QCCS 5109) en est un bel exemple. Dans celle-ci, la demanderesse constate une infiltration d'eau dans un immeuble qu'elle a récemment acquis. Elle communique verbalement immédiatement avec son vendeur pour lui dénoncer la situation. Dans les jours qui suivent, ce dernier se rend sur les lieux pour constater la situation et entreprendre des travaux mineurs de réparation. Ces travaux ne règlent pas les problèmes. La demande se voit donc contrainte de faire des travaux de plus grande envergure et envoit un avis écrit au défendeur, auquel est joint un contrat déjà signé prévoyant l'installation d'un drain français. Dans un très court laps de temps, la demanderesse entreprend lesdits travaux.

L'Honorable juge Martin Hébert constate que l'avis écrit est tardif et donne un délai insuffisant au défendeur, mais il ne rejette pas l'action pour autant. Selon lui, l'objectif visé par l'article 1739 C.c.Q. a été atteint, nonobstant l'absence d'une dénonciation écrite respectant les conditions qui y sont contenues:
[21] En l'espèce, l'avis écrit adressé à M. Moriello peut paraître, à première vue, tardif vu le peu de temps s'écoulant entre celui-ci et le début des travaux.

[22] Cela dit, la jurisprudence apporte un bémol dans l'application de cet article en rappelant sa finalité. Cet article vise à permettre au vendeur de connaître l'état de la situation de façon à pouvoir y remédier le cas échéant.
[...]

[24] Dans la présente affaire, la preuve révèle clairement que M. Moriello a été informé de l'état de la situation, au point où il s'est même rendu sur les lieux pour entreprendre des travaux pour tenter de corriger la situation. Celle-ci s'est avérée plus complexe que ce à quoi il pouvait remédier sur une base artisanale.

[25] De la preuve soumise, on ne saurait conclure que M. Moriello a été maintenu dans l'ignorance quant à l'existence des problèmes rencontrés. Ainsi, on doit prendre acte que, dans les circonstances singulières de ce dossier, preuve a été faite de l'atteinte des objectifs poursuivis par la mise en demeure : il a eu l'opportunité de prendre connaissance de la situation et d'y remédier.

Ainsi, même si une partie qui découvre des vices cachés est toujours avisée de procéder à une dénonciation écrite complète le plus rapidement possible, reste qu'il demeure possible pour cette partie de prouver l'absence de préjudice découlant de l'absence ou l'insuffisance d'un tel avis.

Référence : [2010] ABD 19

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