jeudi 7 mars 2013

La prescription commence à courir à partir du jour où la décision attaquée est prise, et non pas à partir du jour où l'on soupçonne qu'elle sera prise

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

En septembre dernier, je discutais avec vous du point de départ de la prescription et je soulignais que celle-ci court dès que les conditions juridiques du droit de poursuivre sont réunis (voir le billet en question ici: http://bit.ly/Ys4oWy). J'attire ce matin votre attention sur l'affaire St-Onge c. Groupe Poly-Tech inc. (2013 QCCS 801) parce qu'elle illustre bien ce principe. Dans celle-ci, la Cour supérieure indique que la prescription ne court pas lorsqu'on anticipe qu'une décision sera prise, mais bien à partir du moment où celle-ci est effectivement prise.


Dans cette affaire, les Demandeurs intentent des procédures civiles contre les Défenderesses suite à l’arrêt des travaux de construction, ordonné par la municipalité défenderesse, d’une maison en bois rond sur son terrain à cause de la découverte d’un puits situé sur le terrain voisin.
 
Les Défendeurs font valoir, entre autres arguments en défense, que le recours est prescrit. En effet, puisque les Demandeurs savaient depuis plus de trois ans avant l'institution des procédures que les travaux seraient sûrement stoppés. Ces derniers rétorquent que l'argument est mal fondé puisque c'est seulement à partir du jour où la Défenderesse a effectivement ordonné l'arrêt des travaux que son droit de recours est né.
 
L'Honorable juge Marc St-Pierre donne raison aux Demandeurs sur la question:
[45] En ce qui concerne la prescription, je reproduis ci-après les extraits les plus ici pertinents du jugement de cette cour rendu par l’honorable Suzanne Mireault sur la requête en rejet de Poly-Tech en vertu de 54.1 C.p.c. basée sur la prescription du recours :
« [22]Poly-Tech soutient que la requête introductive d’instance aurait dû être intentée au plus tard en juillet 2008 car, en juillet 2005, S. St-Onge etL. Laporte savaient déjà que leurs travaux de construction seraient sûrement arrêtés. 
[23] Cependant, ce n’est que le 5 octobre 2005 que le permis a été retiré. 
[24] En conséquence, la soussignée est d’avis que ce n’est que lors de la mise enœuvre effective de cette décision d’arrêter les travaux qu’a débuté le délai de prescription à l’égard du recours intenté par S. St-Onge et L. Laporte. 
[25] En effet, ces deniers ne peuvent invoquer un préjudice causé par l’arrêt des travaux, et ce, tant que cet arrêt n’est pas devenu une réalité. 
[26]« La prescription ne peut commence à courir avant qu’il n’y ait un dommage. Et lorsqu’on parle de dommages, il s’agit d’un dommage tangible… ». 
[27] Cet argument est donc mal fondé. »
[46] En appel du jugement par la municipalité, la Cour d’Appel écrit ce qui suit à ce sujet :
[4] La juge a fixé au 5 octobre 2008 la date d’extinction du droit d’action des appelants. Ce faisant, elle a mis de côté l’argument de la Municipalité selon lequel le calcul du délai de prescription devait commencer au jour où les travaux de construction ne pourraient se poursuivre, soit en juillet 2005. Cette détermination est à l’abri de tout reproche. (caractère gras ajouté)
[47] Même s’il n’y a pas chose jugée par rapport à un jugement qui dispose d’une requête préliminaire, le jugement de la Cour d’appel fait autorité considérant que les faits prouvés à l’enquête sont congruents avec ceux retenus par notre collègue l’honorable Suzanne Mireault pour rendre jugement.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/14vNPdz

Référence neutre: [2013] ABD 95
 

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