Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
Le juge unique de la Cour d'appel qui est saisi d'une demande de permission d'en appeler d'un jugement ayant une valeur de moins de 50 000$ est souvent placé dans une situation peu enviable lorsque le jugement de première instance est clairement erroné (je sais, cette phrase vous paraît bizarre). En effet, la règle générale veut que la permission ne soit normalement accordée que quand le dossier soulève une question d'intérêt pour la justice, i.e. une question nouvelle, controversée ou d'une grande importance. Que faire alors lorsque la question en litige est relativement simple, que les principes applicables sont clairs et que le juge de première instance s'est tout simplement mépris? C'est le dilemme auquel faisait face l'Honorable juge Jacques Dufresne dans Jones c. Financière Agricole du Québec (2012 QCCA 1451).
Les faits de l'affaire sont relativement simples.
Poursuivis par la Mise en cause pour le solde d'un prêt en vertu d'un contrat de crédit variable, les Requérants ont déposé une défense, mais également une demande reconventionnelle dirigée contre une tierce partie, à savoir l'Intimée. D'avis que cette demande reconventionnelle ne découle pas de la même source que la demande principale ou d'une source connexe, un juge de la Cour supérieure déclare la demande reconventionnelle irrecevable. Ce faisant, il ne se prononce pas sur le fond de celle-ci (d'ailleurs, les Requérants ont depuis intenté la même action contre l'Intimée dans un dossier de Cour distinct).
Suite à ce jugement, l'Intimée demande la taxation de son mémoire de frais, incluant l'honoraire additionnel de 1 % sur l’excédent de 100 000$, en vertu de l'article 42 du Tarif des honoraires judiciaires des avocats, soit 4 233,49$.
Malgré le fait que la jurisprudence de la Cour d'appel sur la question est très claire (l'honoraire additionnel ne peut être accordé à une partie deux fois pour la même cause, de sorte que le jugement qui rejette une action pour des raisons procédurales et n'a pas l'autorité de la chose jugée, comme celui en question ici, ne donne pas ouverture à l'attribution de l'honoraire additionnel), le greffier spécial et le juge de la Cour supérieure saisi de la demande de révision accordent à l'Intimée l'honoraire additionnel demandé.
Le juge Dufresne est saisi de la requête pour permission d'en appeler de cette décision et l'épineuse question de savoir si la permission doit être accordée nonobstant le fait que la question n'est pas nouvelle, controversée ou particulièrement importante. Il en vient ultimement à la conclusion que la permission doit être accordée pour éviter une injustice:
[9] Règle générale, il n'y a pas d'appel des jugements à l'égard desquels la valeur de l'objet en litige est inférieure à 50 000 $, ce qui est le cas en l'espèce. Le jugement, objet de la requête, serait qualifié de jugement en matière d’exécution, que la règle serait la même. On peut toutefois faire exception lorsque la question de principe est importante.
[10] Le jugement, objet de la requête, ne fait aucunement référence aux arrêts de la Cour d’appel des dernières années qui ont écarté l’application de l’article 42 du Tarif lorsque le jugement rendu ne tranche pas de façon définitive le fond du litige. C’est le cas, en l’espèce.
[11] La requête ne soulève, a priori, aucune question de droit qui soit nouvelle ou controversée. La requête devrait donc être rejetée, si ce n’est qu’en ce faisant, le jugement comportant une erreur de droit cause préjudice, sinon une injustice, aux requérants, et ce, sans égard à la modicité du montant en jeu.
[12] J’estime préférable, dans les circonstances, de faire droit à la requête, tout en invitant les avocats des parties à d’abord prendre connaissance de la jurisprudence précitée de la Cour avant de plaider davantage.
Le texte intégral du jugement est disponible ici:
http://bit.ly/PAyFxz
Référence neutre: [2012] ABD 291
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