Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
En août 2010, Karine Chênevert publiait
l'excellent billet suivant sur
la décision de la Cour d'appel dans Apple Canada Inc. c. St-Germain (2010 QCCA
1376). Dans cette affaire, la Cour d'appel avait jugé que le programme de
remboursement offert par Apple ne constituait en rien un obstacle à
l'introduction d'une requête en autorisation pour instituer un recours
collectif, puisqu'on ne pouvait obliger quelqu'un à participer dans un tel
programme. Or, le 19 avril dernier, la Cour rendait sa décision dans l'affaire
Perreault c. McNeil PDI Inc. (2012 QCCA 713), où elle semble adopter
une approche contraire.
Dans l'affaire
Apple, l'Intimé avait choisi de poursuivre ses démarches pour intenter un
recours collectif malgré le programme de remboursement mis sur pieds par le
manufacturier. La majorité de la Cour (l'Honorable juge Duval-Hessler étant
dissidente sur ce point) en était venue à la conclusion que l'existence de ce
programme de remboursement n'était pas un obstacle au recours collectif. La
majorité s'exprimait ainsi:
[34] Premièrement, l’intimé aurait certes pu transiger avec l’appelante et accepter son offre de remboursement, mais la transaction est un contrat (art. 2631 C.c.Q.) et on ne peut contraindre quelqu’un à transiger contre son gré. Mis au courant de la procédure interne de l’appelante à peine quelques jours après avoir déposé sa requête pour autorisation d’exercer un recours collectif, l’intimé a choisi de ne pas tirer parti de cette offre. Si l’on était ici en présence d’une réclamation individuelle ne concernant que le remboursement dû à l’intimé, la continuation d’une demande en justice dans ces conditions, c’est-à-dire en dépit d’une offre de règlement complet et rapide par la débitrice alors même qu’elle n’a pas été mise en demeure extrajudiciairement, pourrait sembler abusive et, sans doute, risquerait fort d’être qualifiée de telle. Mais l’intimé, ici, demandait à représenter les intérêts d’un groupe et non simplement à faire valoir les siens.
Or, dans l'affaire Perreault, la Cour
semble maintenant adopter une approche contraire, même si elle ne cite pas
expressément sa décision précédente dans Apple. Au nom d'un banc unanime,
l'Honorable juge Guy Gagnon fait en effet reproche à l'Appelante de ne pas avoir
considéré l'existence du programme de remboursement avant de lancer son
recours:
[41] Alors que l'appelante désire être indemnisée pour le coût des médicaments litigieux, elle se désintéresse d'un programme mis en place par l'intimée Wyeth aux fins de rembourser volontairement le consommateur du prix d'achat de ses produits. En première instance, l'appelante, tout en admettant ignorer ce programme, informe le juge que, de toute manière, elle ne souhaite pas s'en prévaloir. Voici ce qu'elle déclare :
Q. Est-ce que vous savez qu'il y avait un programme vous permettant d'obtenir remboursement du médicament, si vous le désiriez?
R. Non.
Q. Je vous informe qu'il y a un tel programme. Est-ce que vous êtes intéressée à vous en prévaloir?
R. Non.
Q. Vous ne voulez pas donc obtenir le remboursement en question?
R. Bien je… je veux plus.
Q. Vous voulez plus?
R. Moi, je veux que les compagnies, à un moment donné, prennent leurs responsabilités. On vient jouer avec des enfants qui sont en … en bas âge.
[42] L'appelante n'explique pas les raisons qui l'incitent à ne pas participer à ce programme. Comme les montants correspondant aux remboursements des produits litigieux impliquent pour chaque consommateur le paiement de sommes plutôt modiques et sans prétendre que cela est déterminant sur l'issue du pourvoi, la règle de la proportionnalité l'invitait à considérer sérieusement la possibilité de recourir à ce mode d'indemnisation à l'amiable avant d'entreprendre un recours judiciaire recherchant la même finalité.
Clairement, la Cour considère ici l'existence
d'un programme de remboursement comme un fait très pertinent. Reste que
j'utilise sciemment les mots "semble avoir adopté une approche contraire"
pour deux raisons. D'abord, comme je le soulignais ci-dessus, la Cour ne
mentionne pas l'affaire Apple, laissant un doute quant à son intention de
renverser le courant qu'elle a établi dans cette affaire. Deuxièmement, il n'est
pas clair des propos du juge Gagnon qu'il aurait été d'opinion que la requête en
autorisation devait être rejetée pour ce seul motif. En effet, l'utilisation de
l'expression "sans prétendre que cela est déterminant sur l'issue du
pourvoi" ne permet pas de tirer une conclusion définitive à ce sujet.
Reste que la question qui semblait avoir été
réglée dans l'affaire Apple est maintenant rouverte. Il serait donc intéressant
de voir comment la jurisprudence sur la question se développera au cours des
prochains mois.
Le texte intégral du jugement est disponible
ici: http://bit.ly/IGCsXN
Référence neutre: [2012] ABD 126
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