mercredi 20 juillet 2011

Il n'est pas permis d'inférer l'existence d'une faute civile à partir de faits collatéraux

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

En matière de responsabilité civile, l'on doit souvent procéder par voie de présomptions pour établir la faute commise par une partie. Par ailleurs, dans sa décision d'aujourd'hui dans l'affaire France Animation s.a.c. c. Robinson (2011 QCCA 1361), la Cour d'appel est venue rappeler que l'on ne peut utiliser des faits collatéraux pour inférer l'existence d'une faute.


La Cour d'appel est saisie d'un pourvoi d'un jugement par lequel la Cour supérieure a condamné les Appelants à verser plus de cinq millions de dollars aux Intimés en raison d'une violation de la Loi sur le droit d'auteur. Un des Appelants demande à ce que sa condamnation personnelle soit renversée, celle-ci ayant été prononcée, selon lui, sans preuve de son implication personnelle et directe dans les actes fautifs.

Un banc unanime de la Cour renverse cette partie du jugement, se rendant aux arguments de l'Appelant à l'effet que l'utilisation des faits collatéraux par le juge de première instance pour en tirer des présomptions et conclure à faute était erronée:
[129] En droit, il n'est pas permis d'inférer de ces faits collatéraux l'existence de la contrefaçon ni celle de la participation à une violation du droit d'auteur. Ces faits peuvent cependant être utilisés pour évaluer la crédibilité de tous les acteurs qui ont collaboré, de près ou de loin, aux manœuvres destinées à obtenir sans droit une aide financière. 
[130] Cela signifie que les intimés avaient le fardeau d'établir les faits qui fondent leur prétention selon laquelle M. Davin a participé de façon consciente et délibérée à la violation de leur droit d'auteur.
[131] Dans leur mémoire, les intimés tentent de pallier les lacunes du jugement de première instance et ils mentionnent quelques faits particuliers pour tenter d'établir la participation de M. Davin à la contrefaçon ou sa connaissance de celle-ci. Il s'agit des relations de ce dernier avec le couple Weinberg-Charest, de son lien hiérarchique avec M. Izard et de sa rencontre avec M. Robinson, en 1984.
[132] Une telle conclusion relève ici de la conjecture. Elle ne satisfait pas à la norme applicable en matière de preuve par présomption. Celle-ci exige que les faits connus soient tels qu'ils rendent probable l'existence du fait que l'on veut induire. L'existence de relations entre M. Davin et le couple Weinberg-Charest ne signifie pas que le premier savait que les seconds avaient exposé l'œuvre des intimés à M. Izard. De plus, le fait que M. Weinberg a apporté avec lui certains documents reliés à Robinson Curiosité lors d'un voyage en France en 1989 ne permet pas de déduire qu'ils ont été remis à M. Davin. Le lien hiérarchique entre M. Izard – un pigiste à qui France Animation a confié le mandat de créer une nouvelle série télévisée – et M. Davin ne dénote pas la connaissance de la contrefaçon par ce dernier ni son autorisation de produire une œuvre en violation de droits protégés. Enfin, la rencontre entre M. Davin et M. Robinson en 1984, rencontre au cours de laquelle ces derniers ont discuté du projet Robinson Curiosité, sans examiner l'œuvre, ne permet pas de croire que la connaissance qu'en avait M. Davin était telle qu'il pouvait constater que M. Izard l'avait contrefaite.
[133]           Les présomptions que l'on peut tirer de ces faits ne sont pas graves, précises et concordantes. Il est aussi raisonnable d'en inférer que M. Davin ne se souvenait pas d'une rencontre datant de plusieurs années, qu'il n'a jamais été exposé à l'œuvre de M. Robinson et que les manœuvres de contrefaçon ont été faites à son insu par le couple Weinberg-Charest et M. Izard, comme il en a témoigné.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/ovxM5i

Référence neutre: [2011] ABD 239

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