lundi 14 février 2011

Les discussions de règlement sont admissibles pour faire la preuve de la mauvaise foi de la partie adverse

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

La règle voulant que les discussions de règlement sont privilégiées et qu'elles ne peuvent être mises en preuve est bien connue. Cependant, il existe certaines exceptions à cette règle. Comme le souligne une jurisprudence constante, le dépôt en preuve pour établir la mauvaise foi de la partie adverse est permis. L'affaire Vennat c. Canada (Procureur général) (2008 QCCS 1748) illustre bien ce propos.


Dans cette affaire, le Demandeur cherche à amender ses procédures pour y inclure des allégations sur les discussions de règlement entre les parties. Saisi de cette demande, l'Honorable juge Gilles Hébert rappelle d'abord que le caractère confidentiel des discussions de règlement et le principe voulant qu'elles ne peuvent être produites en preuve:
[10] Sur le principe de la confidentialité des échanges de règlement, voici ce que dit le juge Rochon de notre Cour d'appel dans un jugement élaboré et récent. Il aborde la question en terme suivant :
« [49] La protection du caractère confidentiel de ces «échanges de règlement» est la manifestation la plus concrète, en droit de la preuve, de l'importance qu'accordent les tribunaux au règlement des différends par les parties elles-mêmes. Cette protection prend la forme d'une règle de preuve ou d'un privilège en common law, par lequel les pourparlers de règlement ne sont pas admissibles en preuve.
[50] Les tribunaux et la doctrine reconnaissent unanimement, d'une part, que sans cette protection aucun pourparler de règlement ne serait possible ou à tout le moins efficace et, d'autre part, qu'il y va de l'intérêt et de l'ordre public que les parties à un litige puissent procéder à de telles discussions. »
Par ailleurs, les tribunaux ont créé certaines exceptions à ce principe lorsqu'il s'agit de prouver la mauvaise foi de la partie adverse et dans la mesure où l'on ne cherche pas à tirer de cette preuve une admission de responsabilité:
[11] Dans une décision datant de 1989 dans l'affaire Simard c. Auberge des Cévennes inc., la Cour d'appel n'avait pas complètement fermé la porte à toute preuve concernant des négociations entre des parties et, en particulier, pour établir la mauvaise foi de la part d'une partie.
[12] Voici ce que disait la Cour d'appel :

« Le premier juge a ordonné la radiation de ces allégations au motif qu'elles se fondent sur des lettres émanant du procureur des intimés au cours de négociations entre procureurs, contenant des propositions de règlement faites sans préjudice.
Avec déférence, la Cour est d'avis que le premier juge s'est mépris sur la nature de ces allégations. L'appelant n'a pas invoqué cette correspondance en vue d'en tirer un aveu de responsabilité, de retenir une offre de règlement, mais afin de démontrer les manœuvres, la conduite déloyale des intimés par l'entremise de leur procureur en vue de retarder indûment la passation du titre et possiblement de faire avorter le marché. Ces lettres, certes constituent des communications privilégiées entre procureurs dont on ne peut tirer ni aveu, ni transaction, ni offre ferme de règlement, mais elles n'en constituent pas moins des faits qui ont une pertinence certaine dans le genre de litige dont il s'agit ici, pour démontrer des négociations faites de mauvaise foi de la part des intimés, constituant de leur part des manœuvres délibérées en vue de retarder indûment la passation du titre au préjudice de l'appelant et même en vue de faire avorter le marché.
Comme le disait monsieur le juge Tormey, dans Zurich Compagnie d'assurances c. Chrysler Canada Ltée, 1980 R.D.J. 381, "selon les circonstances, un document ou une lettre qui pourrait être considéré comme privilégié, peut être utilisé pour établir des faits qui ne sont pas directement reliés à l'offre de règlement comme tel". »
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/hxnXh1

Référence neutre: [2011] ABD 51

Autres décisions citées dans le présent billet:

1. Kosko c. Bijimine, J.E. 2006-1251 (C.A.).
2. Simard c. Auberge des Cévennes inc., J.E. 89-1523 (C.A.).

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