vendredi 25 février 2011

Dans certaines circonstances, l'on peut inférer l'intention frauduleuse du fait que la vente d'un bien est faite entre personnes liées

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Dans bien des cas, l'action en inopposabilité, pour être efficace, doit s'accompagner d'une saisie avant jugement pour éviter les aliénations successives du bien en question. La question se pose alors de savoir quelles sont les circonstances qui permettent une telle saisie. L'affaire Promutuel Bois Francs, société mutuelle d'assurances générales c. Bergeron (2011 QCCS 724) traite de la question.


Dans cette affaire, la Demanderesse, aux droits de ses assurés, poursuit les Défendeurs en dommages suite à la décontamination d'un immeuble vendu à son assuré. Informée de la vente d'un immeuble par un des Défendeurs à son fils, la Demanderesse amende ses conclusions pour ajouter ce dernier comme Défendeur et rechercher des conclusions en inopposabilité de la vente de cet immeuble. Elle greffe à son action une saisie avant jugement sous l'autorité de l'article 733 C.p.c. Les Défendeurs demandent l'annulation de cette saisie au niveau de la suffisance des allégations.

L'Honorable juge Jacques R. Fournier note d'abord que la saisie avant jugement est possible dans le cadre d'une action en inopposabilité:
[9] Ceci étant, il faut se garder de conclure que la saisie n'est ouverte que dans les seuls cas où l'acquéreur cherche à se départir du bien dont on cherche à faire déclarer l'aliénation inopposable.
[10] L'aliénation à titre gratuit comporte une présomption de fraude. L'aliénation à titre onéreux n'emporte cette présomption que si l'acquéreur connaît l'insolvabilité de son auteur.
[11] Même en l'absence d'une présomption légale de fraude certains faits mis ensemble peuvent comporter une présomption du caractère frauduleux d'un acte d'aliénation notamment lorsque, comme en l'espèce, le bien est aliéné à un proche à un prix qui est de loin inférieur à la valeur réelle du bien et alors que l'acquéreur continue d'utiliser, au moins pour partie, le bien aliéné.
Selon le juge Fournier, lorsque la transaction se fera entre des personnes liées dans des circonstances inhabituelles, on pourra en inférer une intention, prima facie, d'agir en fraude des droits des créanciers:
[12] Dans Bank of Nova Scotia c. Schacter, J.E. 91-1249 (C.A.), le juge Jacques ouvre la porte à une inférence de collusion du fait d'une relation mère-fils. Dans cette affaire cependant, la preuve ayant éliminé cette possibilité, la saisie a été cassée.
[13] Ici, au stade de la suffisance, rien ne permet de dissiper l'odeur de souffre qui entoure l'aliénation de l'immeuble de Pierre B. à son fils.
[14] Le caractère récent de l'hypothèque consentie par Pierrot Bergeron à un tiers de bonne foi ainsi que l'écoulement du temps entre l'acte d'aliénation allégué et la publication de l'hypothèque ne suffisent pas, en l'absence d'autres explications, à écarter le soupçon de fraude que fait naître l'aliénation à vil prix de l'immeuble à une personne qui ne traite pas distance.
[...]
[17] En présence de deux personnes qui ont participé à une transaction qui a vraisemblablement, à la seule lecture des allégations de l'affidavit, sinon pour but au moins pour effet, de mettre un bien à l'abri de la saisie d'un créancier et sans contrepartie valable, un créancier peut avoir une crainte objective de voir sa créance mise en péril.
[18] Les allégations sont jugées suffisantes à cette étape de la procédure.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/fv86KG

Référence neutre: [2011] ABD 66

Autre décision citée dans le présent billet:

1. Bank of Nova Scotia c. Schacter, J.E. 91-1249 (C.A.).

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