mardi 27 juillet 2010

L'utilisation d'une marque de commerce d'un concurrent pour se présenter comme alternative sur internet n'équivaut pas à concurrence déloyale

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

La montée irrésistible du commerce électronique engendre certains problèmes juridiques nouveaux, particulièrement quant à la protection des marques de commerce et la concurrence déloyale. Ces sujets sont au menu de la décision récente de Chocolat Lamontagne c. Humeur Groupe Conseil Inc. (2010 QCCS 3301).


Les parties sont des compétitrices dans le domaine de la fabrication et la vente de chocolat. En 2007, la défenderesse achète plusieurs mots-clés auprès de Google pour les fins de publicité comparative, incluant "Chocolat Lamontagne". Ainsi, lorsqu'une personne fait une recherche sur Google en utilisant ces mots-clés, un des premiers résultats de recherche qui apparaît parle d'alternative à Lamontagne et dirige l'utilisateur vers le site web de la défenderesse.

La demanderesse allègue qu'il s'agit là de concurrence déloyale et que la défenderesse utilise sa marque de commerce pour générer du trafic à son site. Cette dernière se défend d'avoir eu quelque intention malveillante et allègue que la marque de commerce de la demanderesse n'a été utilisée que pour des fins de publicité comparative, ce qui n'est pas interdit. Finalement, elle souligne qu'elle a cessé d'utiliser la marque de commerce en question dès que la demanderesse lui a adressé une mise en demeure.

Saisi de cette question épineuse, l'Honorable juge Paul Corriveau en arrive à la conclusion que le procédé utilisé par la défenderesse n'est pas fautif. Selon la Cour, pour conclure à concurrence déloyale, il faut nécessairement que l'on démontre la confusion. Or, aucune preuve n'apparaît au dossier à cet égard:
[114] Pour conclure à une concurrence déloyale, il faut que le Tribunal puisse retenir de la preuve que par sa façon de procéder, la défenderesse a créé un état de confusion qui a entraîné une migration de clientèle de Lamontagne vers Humeur. 
[...] 
[122] Plus amplement, rien dans la preuve ne permet d'établir l'existence d'une confusion qui aurait été à la base d'une concurrence déloyale de la défenderesse envers la demanderesse. 
[123] Le lien commercial qui permettait d'aller sur le site d'Humeur et qui s'est retrouvé en première place sur la page des résultats obtenus après l'utilisation des mots Chocolaterie Lamontagne dans Google ne prête à aucune confusion. L'information indique clairement l'annonce d'une alternative au genre d'entreprise exercé par la demanderesse.  
[124] Lorsque l'internaute utilise la proposition de la défenderesse de se rendre sur son site, rien ne permet quelque association que ce soit entre les parties, sinon que l'internaute peut prendre connaissance de ce en quoi consiste Humeur.  
[125] La façon d'utiliser Google AdWords, telle que faite par la défenderesse, pour s'afficher comme concurrente de la demanderesse aux internautes qui recherchent le site de cette dernière ne constitue pas, selon le Tribunal, une forme de concurrence déloyale qui la rendrait fautive à son endroit et justifierait l'octroi de dommages à celle-ci. 
[126] Lorsqu'une telle offre ne comporte rien de déloyal, l'internaute fait un choix qui résulte de sa volonté, et l'annonceur ne peut être fautif d'avoir créé l'occasion d'être rejoint, comme en l'espèce. 
[127] Les principes généraux de concurrence qui prévalent au pays n'interdisent pas, selon le Tribunal, d'offrir à l'internaute qui recherche de l'information de se voir offrir l'occasion d'accéder à d'autres informations à propos d'une société concurrente à celle qu'il cherche.

L'on constate donc que la Cour place la barre particulièrement haute. Selon le juge Corriveau, il ne sera pas suffisant d'établir simplement l'utilisation de la marque de commerce et la possibilité de détournement de trafic web.

Référence : [2010] ABD 44

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