mercredi 1 octobre 2025

Le jugement qui accueille une objection à une demande d'engagement ne lie pas le juge du fond et n'est pas, sauf circonstances exceptionnelles, appelable

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Contrairement à ce que plusieurs croient, le jugement interlocutoire qui accueille une objection à la preuve ou à une demande d'engagement n'est pas généralement susceptible d'appel. En effet, un tel jugement ne lie le juge du fond, de sorte qu'il ne sera habituellement pas possible de démontrer un préjudice qui ne peut être remédié par le juge du procès. C'est ce que rappelle l'Honorable juge Peter Kalichman dans l'affaire Chambre des notaires du Québec c. Compagnie d'assurances FCT ltée (2025 QCCA 1181).


L'Appelante recherche la permission d'en appeler d'un jugement de la Cour supérieure qui a maintenu des objections à certains engagements. Elle allègue que le juge de première instance a adopté une approche trop restrictive à la communication de la preuve et qu'il a eu tort de qualifier ses demandes d'expédition de pêche.

Saisi de cette demande, le juge Kalichman en vient à la conclusion qu'il ne se trouve pas dans une situation exceptionnelle qui justifierait d'accorder la permission d'en appeler. En effet, il souligne que le jugement qui accueille des objections ne sera généralement pas appelables et qu'une requérante devrait démontrer un véritable préjudice qui ne pourra être remédié:
[6] Un jugement rendu en cours d’instance ne peut être porté en appel qu’avec la permission de la Cour ou de l’un de ses juges conformément à l’article 31 al. 2 du Code de procédure civile. La permission ne sera accordée que si le jugement décide en partie du litige ou cause un préjudice irrémédiable à une partie. De plus, l’octroi de la permission doit être dans le meilleur intérêt de la justice (art. 9 al. 3 C.p.c.) et doit respecter le principe de proportionnalité (art. 17 et s. C.p.c.).

[7] Un jugement qui maintient une objection dans le cadre d’un interrogatoire préalable ou ordonne la communication de documents aux fins d’un interrogatoire au préalable ne satisfera qu’exceptionnellement les critères pour que la permission d’appeler soit accordée, notamment parce qu’il ne lie pas le juge au fond et, par conséquent, ne peut causer un préjudice irrémédiable.

[8] La requérante ne parvient pas à me convaincre que les critères permettant d’accorder la permission de faire appel sont remplis.

[9] Il est important de préciser d’emblée que le type de jugement dont il est question ici fait l’objet d’une grande déférence en appel. Ce sont les tribunaux de première instance qui sont chargés, au premier titre, de gérer l’administration de la preuve. Ils bénéficient d’une marge discrétionnaire importante en ce qui concerne le processus de communication de la preuve durant la phase exploratoire de l’instance. Conséquemment, la norme d’intervention à l’encontre d’une décision d’un juge d’accueillir une objection à la communication de la preuve est celle de l’erreur de principe ou de l’usage déraisonnable de la discrétion judiciaire.

Référence : [2025] ABD 392 

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