mardi 9 janvier 2018

L'article 2870 C.c.Q. ne permet pas la production en preuve d'un document faisant état d'une opinion

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

L'article 2870 C.c.Q. met de l'avant une exception à la prohibition de la preuve par ouï-dire en permettant la production en preuve de certains documents ou déclarations lorsque les conditions de fiabilité et de nécessité sont remplies. Reste que - comme nous l'avons souligné dans le passé - cet article ne permet pas la production d'un témoignage d'opinion. C'est ce que rappelle l'Honorable juge Silvana Conte dans l'affaire 9213-8923 Québec inc. c. Acevedo (2018 QCCS 5).


Dans cette affaire, la juge Conte est saisie d'une demande en vertu de l'article 178 de Loi sur la faillite et l'insolvabilité pour déclarer d'une réclamation n'est pas libérée par la faillite du débiteur puisqu'elle résulte de la fraude.

Dans le cadre de sa preuve, la Demanderesse désire produire le rapport des vérificateurs quant à certaines factures qui semblent être des duplicatas. Elle entend se faire en utilisant le mécanisme prévu par l'article 2870 C.c.Q.

La Défenderesse s'objecte à la production de ce document au motif que l'article 2870 C.c.Q. ne peut servir à la production d'un rapport contenant des opinions.

La juge Conte accueille cette objection, soulignant que la jurisprudence sur la question est claire:
[27] Le défendeur s’oppose à la production du rapport. Il soutient que le rapport n’est pas signé, lui a été transmis de façon tardive, et qu’il est dans l’impossibilité de contre-interroger l’auteur du document. Subsidiairement, il soutient que les conclusions sur les fausses déclarations consistent en une opinion et sont inadmissibles en preuve. 
[28] L’objection subsidiaire du défendeur est accueillie.  
[29] Les critères de l’article 2870 C.c.Q. sont satisfaits. D’abord, les vérificateurs ne sont pas contraignables comme témoins. De plus, le document est fiable puisqu’établi dans le cours des activités de Revenu Québec. Cependant, l’exception à la règle de ouï-dire est limitée aux faits à la connaissance de l’auteur du document et non à l’opinion. Dans Bouchard-Cannon c. Canada (Procureur général), la Cour d’appel écrit :
[37] L'article 2870 C.c.Q. constitue une exception à la règle générale de l'exclusion du témoignage écrit comme moyen d'établir un fait matériel (article 2843 C.c.Q.). L'écrit qui rapporte un fait matériel ne sera admis en preuve que dans des circonstances exceptionnelles. L'article 2870 C.c.Q. énonce les conditions permettant que la déclaration écrite d'une personne qui ne comparaît pas comme témoin soit admise à titre de témoignage : (1) la déclaration porte sur des faits au sujet desquels le déclarant aurait pu légalement déposer, (2) la déclaration est fiable et enfin, (3) la comparution du déclarant est impossible ou déraisonnable. 
[…] 
[44] Les rapports contiennent enfin l'opinion du DSV ou de ses enquêteurs quant aux causes de l'accident. S'agissant d'opinions et non de faits, elles ne peuvent pas être reçues en preuve sans que l'enquêteur responsable de l'enquête témoigne à titre d'expert. En effet, l'article 2870 C.c.Q. restreint la définition de témoignage aux faits, à l'exclusion de l'avis de l'expert.
[30] Dans les circonstances, le rapport des vérificateurs est inadmissible en preuve.

Référence : [2018] ABD 14

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