mercredi 21 mai 2025

Les règles de conflits d'intérêts des avocats ne s'appliquent pas aux experts

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Il y a maintenant plus de 10 ans (!), je traitais du fait que les règles de conflits d'intérêts et de disqualification qui s'appliquent aux avocats ne sont pas applicables aux experts. C'est pourquoi, comme le souligne l'Honorable juge Stéphane Lacoste dans Shaulov c. Shaulov (2025 QCCS 1628), rien ne s'oppose à ce que l'expert retenu par une des parties au litige soit nommé à titre d'expert unique par la Cour.


Dans le cadre d'un dossier concernant l’administration d’une fiducie familiale qui met en cause diverses dépenses et la tenue des registres comptables de la fiducie, le juge Lacoste est saisie d'un demande pour la nomination d'un expert commun. Le travail de cet expert serait de faire la lumière sur l’administration de la fiducie et sur des manœuvres supposément fautives qui ont mené à la cession au Défendeur par la fiducie de la propriété d’un immeuble résidentiel.

Inquiet de la démesure qui semble marquer le dossier, le juge Lacoste en vient à la conclusion que l'imposition d'une expertise commune s'impose. Il se penche ensuite sur l'identité de cet expert. 

Les Demandeurs plaident que l'expert qu'ils ont déjà mandaté et qui est familier avec le dossier devrait être désigné. La défense s'oppose à une telle suggestion, plaidant que cet expert sera en situation de conflit.

Le juge Lacoste souligne que les règles de conflits pour les avocats ne s'appliquent pas aux experts, dont la mission première est d'éclairer la Cour. Pour cette raison, il ne voit aucune raison de ne pas désigner l'expert engagé par les Demandeurs comme expert commun:
[14] Les demandeurs proposent que le Tribunal désigne l’expert (la firme Lepage Marcil David Juricomptables inc., sous la direction d’André Lepage), qu’ils ont mandaté et qui a déjà entrepris ses travaux. David objecte que cet expert serait en conflit d’intérêts et propose plutôt de retenir les services de Raymond Chabot Grant Thornton (sous la direction de Patrick Ouimet). 
[15] Le Tribunal écarte l’argument du conflit d’intérêts potentiel. 
[16] Tout expert qui produit un rapport et témoigne agit pour le bénéfice du Tribunal plutôt que pour celui de la partie qui le paie. La déclaration prévue à l’article 135 C.p.c. sert justement à le lui rappeler. Par ailleurs, un expert qui semble oublier ce principe et être en mission pour une partie verra habituellement son opinion écartée par le Tribunal. 
[17] La question des honoraires peut être réglée par le Tribunal, de telle sorte que, selon le cas, ce soit l’une ou l’autre des parties qui les paie en tout ou en partie. 
[18] La preuve révèle que les experts proposés par les parties ont tous les compétences requises. Elle révèle toutefois que Lepage Marcil David Juricomptables inc., a déjà entrepris ses travaux et il serait contre-productif et disproportionné de les faire recommencer par un autre. De plus, les honoraires annoncés de Lepage sont bien inférieurs à ceux de Raymond Chabot Grant Thornton. 
[19] Le Tribunal désigne Lepage Marcil David Juricomptables inc., sous la direction d’André Lepage, pour procéder à l’expertise à titre d’expert commun.

 Référence : [2025] ABD 202

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