lundi 24 février 2014

Les difficultés financières d'une partie défenderesse ne suffisent pas pour justifier une saisie avant jugement

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Pour obtenir une saisie avant jugement en vertu de l'article 733 C.p.c., il faut établir que la partie adverse tente volontairement de mettre ses actifs à l'abri d'un jugement. Ce test est exigeant. En effet, il ne sera donc pas suffisant de démontrer que la partie défenderesse ne pourra satisfaire un jugement sans saisie comme l'illustre l'affaire Marinelli c. Ascentium inc. (Smith) (2014 QCCS 475).

Dans cette affaire, les Demandeurs ont intenté des procédures en réclamation d'indemnités de départ, contre la Défenderesse. Ils obtiennent une saisie avant jugement du compte de banque, de l'équipement informatique, d'une indemnité d'assurance et des recevables de leur employeur, la Défenderesse, au motif que leurs créances sont en péril.
La Défenderesse recherche la cassation de cette saisie au motif de l'insuffisance des affidavits. Elle plaide plus spécifiquement que les Demandeurs ne satisfont pas au lourd fardeau de démontrer que la Défenderesse tente de soustraire ses actifs d'un jugement éventuel.
L'Honorable juge Pierre Isabelle donne raison à la Défenderesse. Il souligne que rien dans les affidavits ne démontre une crainte objective de la part des Demandeurs de l'existence de manoeuvres faites par la Défenderesse pour soustraire ses actifs à un jugement possible. Plus important encore, le juge Isabelle indique que la situation financière difficile de la Défenderesse ne justifie pas, à elle seule, une saisie avant jugement:
[32] Or, bien que les procédures et les affidavits des demandeurs contiennent un nombre impressionnant de faits, ils ne permettent pas de constater l'existence d'une crainte objective que la créance des demandeurs est en péril. 
[33] Les affidavits ne décrivent aucune manœuvre frauduleuse ou conduite déloyale douteuse, louche ou reprochable de la défenderesse pour détourner ses actifs au bénéfice de son seul actionnaire, la compagnie américaine. Il s'agit là de toute évidence d'une crainte subjective des demandeurs, laquelle ne trouve aucun fondement dans les faits contenus aux affidavits. 
[34] De plus, tel qu'exposé par la défenderesse, les demandeurs ont participé activement au redressement financier de l'entreprise et ils ont eux-mêmes alerté ses dirigeants des difficultés pour la défenderesse de payer ses employés si des mesures ne sont pas prises pour l'injection de nouveaux capitaux. 
[...] 
[39] La crainte de la mise en péril de la créance des demandeurs résulte beaucoup plus d'une simple appréhension que d'une réalité. Ils admettent qu'ils seront dans l'impossibilité d'exécuter leur jugement si la défenderesse n'a pas les ressources pour les indemniser. Or, cela n'est pas un motif pour obtenir une saisie avant jugement.
Référence: [2014] ABD 78

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