jeudi 27 juin 2013

La Cour suprême discute de la suffisance des motifs donnés par un juge pour rendre sa décision

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Si vous avez l'impression que j'attire plus souvent votre attention sur des décisions de la Cour suprême ces derniers temps, et bien c'est parce que c'est le cas. C'est probablement une coïncidence, mais la Cour a récemment rendue plusieurs décisions en matière de preuve et de procédure qui sont directement applicables au droit civil québécois. C'est le cas de la récente décision rendue dans R. c. Vuradin (2013 CSC 38). Le 13 novembre 2012, j'avais attiré votre attention sur une décision de la Cour d'appel sur la suffisance des motifs où la Cour indiquait qu'un décideur n'avait pas besoin d'expliquer en détail chaque étape de son raisonnement dans la mesure où les motifs donnés supportaient logiquement le résultat final. Or, c'est un enseignement très similaire que la Cour suprême vient de nous donner.


Dans cette affaire, l'Appelant a été accusé de quatre chefs d’agression sexuelle et d’un chef de contacts sexuels illégaux à l’endroit d’une personne âgée de moins de 14 ans. En première instance, l’Appelant a été déclaré coupable relativement à tous les chefs d’accusation. 
 
Dans un jugement majoritaire, la Cour d'appel de l'Ontario a annulé trois condamnations et ordonné la tenue d’un nouveau procès principalement parce que la preuve de faits similaires avait été admise à tort. 

Devant la Cour suprême, l'Appelant soulève principalement deux questions, i.e. la suffisance des motifs du juge du procès et l'application du fardeau de la preuve pertinent. Pour nos fins, seule la première question est d'intérêt. 
 
Dans une décision unanime rendue par l'Honorable juge Karakatsanis, la Cour indique que, dans la mesure où l'on peut comprendre des motifs donnés pourquoi la décision a été rendue, ceux-ci seront suffisants:
[12] En dernière analyse, lorsqu’un tribunal d’appel examine les motifs pour déterminer s’ils sont suffisants, « il doit les considérer globalement, dans le contexte de la preuve présentée, des arguments invoqués et du procès, en tenant compte des buts ou des fonctions de l’expression des motifs » : R.E.M., par. 16. Ces buts « seront atteints si les motifs, considérés dans leur contexte, indiquent pourquoi le juge a rendu sa décision » (par. 17). 
[13] Notre Cour a également précisé dans R.E.M. que l’omission du juge du procès d’expliquer pourquoi il a écarté une dénégation plausible des accusations par l’accusé ne rend pas les motifs déficients, pourvu que ceux‑ci démontrent, de façon générale, que lorsque les témoignages de la plaignante et de l’accusé se contredisaient, il a retenu celui de la plaignante. Aucun autre motif n’est nécessaire pour justifier le rejet du témoignage de l’accusé puisque les déclarations de culpabilité elles‑mêmes permettent d’inférer raisonnablement que l’accusé n’a pas réussi à soulever un doute raisonnable en niant les accusations (voir le par. 66). 
[14] L’appelant plaide que les motifs n’indiquaient pas pourquoi le juge du procès avait rendu la décision qu’il a rendue. Ce dernier n’a pas examiné les questions en litige concernant la crédibilité de la plaignante avant de retenir son témoignage. Le juge du procès n’a pas abordé plusieurs des questions en litige énumérées en détail par le juge dissident de la Cour d’appel. S’il l’a fait, il a ensuite tiré une conclusion sommaire à leur égard. Selon l’appelant, bien qu’on ne doive pas modifier à la légère les conclusions d’un juge du procès relatives à la crédibilité des témoins, le juge du procès n’explique pas adéquatement dans ses motifs pourquoi il a retenu le témoignage de la plaignante, ni pourquoi le témoignage de l’appelant ne soulevait pas un doute raisonnable.  
[15] Pour décider si les motifs du juge du procès sont suffisants, la question principale à trancher est la suivante : considérés dans leur contexte, les motifs indiquent‑ils pourquoi le juge a rendu la décision qu’il a rendue relative aux chefs d’accusation concernant la plaignante? En l’espèce, les motifs du juge du procès satisfont à ce critère.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/10Z0qu6

Référence neutre: [2013] ABD 255
 

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