vendredi 21 février 2014

Le locateur qui est insatisfait des réparations effectuées par son locataire à la fin du bail doit mettre ce dernier en demeure avant de les refaire

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous avons déjà discuté de l'obligation du locataire de remettre les lieux en état à la fin du bail. Cette obligation, qu'elle soit légale ou contractuelle, obéit par ailleurs aux règles générales, de sorte que le locateur qui est d'avis que cette obligation n'a pas été remplie doit mettre son ancien locataire en demeure avant de faire exécuter lui-même les travaux. C'est ce que confirme l'affaire Gestion Joubarne inc. c. Cyr (Club bijoux plus.com 2009) (2014 QCCQ 879).
 

Dans cette affaire, la Demanderesse intente une poursuite en dommages contre le Défendeur alléguant, entre autres choses, des montants pour loyers impayés et pour des réparations effectuées après son départ.
 
Saisie de cette affaire, l'Honorable juge Pierre Labbé accueille la réclamation pour loyers impayés, mais pas celle pour les réparations que la Demanderesse a effectuées. En effet, il indique que l'absence de mise en demeure au Défendeur avant que ces réparations soient effectuées est fatale à la réclamation:
[30]        La demanderesse a procédé au remplacement de la porte du local, après s’être déclarée insatisfaite des réparations effectuées par le défendeur, mais sans l’aviser au préalable. L’article 1590 du Code civil du Québec est ainsi libellé : 
[...] 
[31]        En vertu de cette disposition, la demanderesse devait mettre en demeure le défendeur avant de changer la porte, ce qu’elle n’a pas fait. Ce défaut est fatal. L’article 6.2 du bail ne prévoit pas de mise en demeure de plein droit (art. 1594 C.c.Q.). Les auteurs Baudouin et Jobin traitent de ce sujet dans les termes suivants : 
Il convient toutefois de relever un recours au sujet duquel les tribunaux se montrent particulièrement exigeants et pour lequel l’absence de mise en demeure préalable sera fatale, sauf si les circonstances justifient une demeure par l’effet de la loi ou du contrat. Il s’agit de l’exécution en nature par remplacement, par laquelle le créancier exécute lui-même l’obligation ou, le plus souvent, la fait exécuter par un tiers, aux frais du débiteur (art. 1602 C.c.Q.). Pour se prévaloir de cette sanction, le créancier doit, par une mise en demeure préalable à la prestation exécutée aux frais du débiteur, prévenir expressément ce dernier des manquements qui lui sont reprochés, l’inviter à s’exécuter et lui annoncer la sanction qui sera appliquée s’il fait défaut de s’exécuter dans le délai imparti. La sévérité démontrée par les tribunaux dans l’application de ce recours s’explique par la volonté de s’assurer que le débiteur soit conscient des frais - souvent considérables - qu’il risque d’encourir par cette sanction extrajudiciaire, s’il n’exécute pas son obligation. Selon une jurisprudence très abondante et d’une rare constance, malgré la sévérité des principes qui y sont énoncés, le créancier qui prive le débiteur de la faculté d’exécuter son obligation ou de constater son inexécution, en l’absence de mise en demeure préalable ou à la suite d’une mise en demeure déficiente, ne pourra réclamer au débiteur les frais engendrés par l’exécution de remplacement, à moins de profiter d’un cas de demeure par l’effet de la loi ou du contrat (art. 1602, al. 2 in fine C.c.Q.). […]  
[Références omises]  
[Soulignements ajoutés] 
[32]        En ce qui concerne les panneaux de stationnement, la preuve ne permet pas au Tribunal d’accorder cette somme à la demanderesse pour le même motif d’absence de mise en demeure.
Référence : [2014] ABD 76

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