jeudi 17 octobre 2013

La Cour d'appel n'a pas compétence pour rendre des ordonnances touchant des questions qui n'étaient pas en litige en première instance dans le dossier dont elle est saisie

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

L'article 46 C.p.c. donne de larges pouvoirs d'intervention aux tribunaux québécois. Cependant, l'exercice de ceux-ci demeure subordonné à l'existence, pour le tribunal saisi, de la compétence sur la question qui lui est soumise. Ainsi, comme le souligne la Cour d'appel dans Société en commandite Tour de la Pointe enr. c. Dorval (2013 QCCA 1772), on ne peut lui demander d'exercer ses pouvoirs en vertu de l'article 46 C.p.c. pour une question qui ne faisait pas partie du débat en première instance. 

Dans cette affaire, les Appelantes saisissent la Cour d'appel d'une requête de bene esse afin qu’elles soient autorisées à entreprendre des négociations, à conclure un avant-contrat et à vendre deux conciergeries. 
 
La demande est inusité parce que cette question n'a pas fait l'objet du litige en première instance. En effet, le litige en question est décrit par la Cour comme "un bras de fer entre deux groupes de commanditaires qui entendent, chacun, s’approprier de force le contrôle de la société en commandite".
 
Dans ce contexte, les Honorables juges Giroux, Léger et Lévesque sont d'avis que la Cour d'appel n'a pas compétence pour ce prononcer sur la demande formulée, laquelle est plutôt du ressort de la Cour supérieure. À ce chapitre, la Cour souligne que le pouvoir dévolu par l'article 46 C.p.c. ne peut être exercé par la Cour que dans la mesure où elle est déjà saisie de la question généralement:
[10]       En l’espèce, il s’agit d’une affaire tout à fait nouvelle qui provient du fait que, selon les allégations de la requête, les appelantes auraient reçu en août 2013 une offre d’achat non sollicitée visant les deux conciergeries. 
[11]       La vente des immeubles ne constituait pas un enjeu du recours institué devant la Cour supérieure par les intimés, commanditaires minoritaires. Cette vente n’était envisagée ni par les intimés ni par les appelantes dans le débat qui s’est déroulé pendant sept jours d’audience devant le juge de première instance. 
[12]       La vente des conciergeries exploitées par la société en commandite ne fait pas davantage l’objet de l’instance d’appel devant la Cour. Il s’agit d’une question nouvelle, tout à fait différente de celles visées par le jugement faisant l’objet du pourvoi et qui résulte d’un événement survenu plus de trois ans après l’institution des procédures. 
[13]       Lors d’un interrogatoire, le signataire de l’affidavit au soutien de la requête a même déclaré qu’en 30 ans d’exploitation des conciergeries, il n’avait jamais été question de les vendre et que la société en commandite n’avait jamais reçu d’offre en ce sens. 
[14]       Ce n’est pas parce que les ordonnances de sauvegarde prononcées par la Cour dans le contexte d’une suspension de l’exécution provisoire ont réduit les pouvoirs de la commanditée et ordonné la mise sous séquestre des conciergeries que la Cour d’appel devient compétente pour régler tout nouveau litige susceptible de survenir entre les parties pendant l’instance d’appel et soulevant une question qui ne fait l’objet d’aucun pourvoi devant la Cour. 
[15]       En conséquence, ce nouveau litige relève de la compétence inhérente de la Cour supérieure selon l’article 31 C.p.c. Les pouvoirs conférés par le deuxième alinéa de l’article 46 C.p.c. invoqué par les appelantes doivent toujours s’inscrire à l’intérieur de la compétence conférée au juge ou au tribunal. La Cour n’a donc pas compétence pour entendre la requête demandant l’autorisation de vendre l’immeuble.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/1armBHI

Référence neutre: [2013] ABD 416

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