mercredi 5 décembre 2012

À moins d'être bénéficiaire d'une cession de droits litigieux, le nouveau propriétaire d'un immeuble n'a pas l'intérêt requis pour intenter des procédures en responsabilité extracontractuelle pour des gestes qui ont eu lieu avant la date d'achat

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Comme le souligne à juste titre l'Honorable juge Christiane Alary dans Cantin c. Hébert (2012 QCCS 5974), la personne qui fait l'acquisition d'un immeuble n'obtient pas automatiquement les droits litigieux qui se rattachent audit immeuble. En effet, en l'absence de cession expresse desdits droits litigieux, ceux-ci demeurent avec la personne qui est propriétaire au moment où les gestes prétendument fautifs ont été commis.
 

Les parties en l'instance sont propriétaires de deux lots adjacents. Le Demandeur, alléguant que le Défendeur a arraché et coupé des arbres sur le terrain qui lui appartient, intente un recours en dommages. Le Défendeur, soulignant que le Demandeur n'était pas propriétaire de l'immeuble au moment des faits allégués, demande le rejet préliminaire de l'action pour absence d'intérêt.
 
Après analyse, la juge Alary donne raison au Défendeur. Elle souligne à cet égard que le droit d'action appartient au propriétaire au moment de la commission de l'acte fautif. À moins de cession de ce droit, le nouveau propriétaire n'a pas l'intérêt pour ester en justice à cet égard:
[17] Dans l’affaire Legault c. Dubé, le juge Laramée devait disposer d’une situation semblable à celle de la présente cause. La demanderesse avait acheté une propriété sur laquelle des arbres avaient été coupés, avant qu’elle n’en devienne propriétaire.  
[18] Notant que l’intérêt s’apprécie au moment où la faute est commise et les dommages causés, le juge Laramée conclut que l’absence d’intérêt de la demanderesse est manifeste.  
[19] Il souligne également que le vendeur aurait pu céder à la demanderesse son droit de poursuivre en vertu de l’article 1610 C.c.Q., ce qu’il avait omis de faire :
1610. Le droit du créancier à des dommages-intérêts, même punitifs, est cessible et transmissible.
Il est fait exception à cette règle lorsque le droit du créancier résulte de la violation d’un droit de la personnalité, en ce cas, son droit à des dommages-intérêts est incessible, et il n’est transmissible qu’à ses héritiers.
[20] Au soutien de ses motifs, le juge Laramée cite un extrait du jugement du juge Dalphond, alors à la Cour supérieure, dans Archambault c. Duval, une autre affaire de coupe d’arbres :
[72] La preuve établit qu’il y a eu des activités de coupe sur la terre triangulaire à l’automne 1996 et en début 1997 par M. Charbonneau et son équipe et d’autres en 1997 par Calfolia. 
[73] Or, le demandeur n’est devenu propriétaire de la terre que le 12 mars 1997. Rien dans le contrat de vente n’indique que le Ministère lui aurait cédé en vertu de l’article 1610 C.c.Q son droit à des dommages pour les coupes antérieurement à cette date; par conséquent, les dommages réclamés par lui ne sauraient être antérieurs la vente
(Le Tribunal souligne)
[21] La situation est la même, dans la présente affaire. 
[22] En deuxième lieu, le demandeur soutient que le droit de réclamer des dommages, compte tenu de la coupe et l’arrachage des arbres, lui a été transmis par son vendeur à titre d’accessoire au contrat de vente, le tout suivant l’article 1442 C.c.Q. :
Les droits des parties à un contrat sont transmis à leurs ayants cause à titre particulier s’ils constituent l’accessoire d’un bien qui leur est transmis ou s’ils lui sont intimement liés. 
(Le Tribunal souligne)
[23] Cet article a été intégré au Code civil du Québec, en 1994, afin de codifier la règle élaborée par la jurisprudence, notamment dans l’arrêt General Motors Products of Canada Ltd. c. Kravitz.Les Commentaires du ministre de la Justice indique que cet article pose le principe de la transmissibilité, à l’ayant cause à titre particulier d’une partie cocontractante, des droits personnels qu’elle avait à l’encontre de son cocontractant, lorsque le lien entre ces droits et le bien transmis à l’ayant cause est suffisamment étroit pour que l’on puisse les considérer comme étant l’accessoire de ce bien.  
[24] Le Tribunal est d’avis que cet article ne s’applique pas au recours extra-contractuel d’un vendeur à l’égard d’un tiers pour des dommages causés à sa propriété, avant la vente de ce bien. 
[25] Le Tribunal est d’avis qu’en l’absence d’une cession en bonne et due forme des droits du vendeur, en vertu de l’article 1610 C.c.Q., le demandeur n’a pas l’intérêt requis pour intenter la présente action en justice.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/TGTIm4

Référence neutre: [2012] ABD 444

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