mercredi 21 novembre 2012

Le fait qu'un des associés du cabinet devra témoigner, n'empêche pas un bureau d'avocats de se représenter lui-même

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Il existe tout un corpus de jurisprudence sur l'habilité d'un cabinet à continuer à représenter un client lorsqu'un de ses membres doit témoigner. Généralement, on dira que le cabinet ne peut continuer à agir lorsque ledit témoignagne touche une question pertinente au fond du litige et qu'il est nécessaire. Dans Picard Sirard Poitras c. Messier-Houle (2012 QCCS 5735), la question se pose par ailleurs de savoir si cette règle s'applique même lorsque le cabinet en question se représente lui-même.
 

Dans cette affaire, la Défenderesse est poursuivie en dommages et en injonction permanente. La requête introductive d'instance allègue qu’elle aurait quitté la société Demanderesse sans donner le préavis écrit de quatre semaines prévu à leur entente et en emportant avec elle l’ensemble des dossiers du bureau qu’elle traitait.
 
En réponse, la Défenderesse demande que tous les avocats oeuvrant au sein de la Défenderesse soient déclarés inhabiles à occuper en la présente instance, au motif que le principal administrateur de la Demanderesse aura à témoigner en la présente instance.
 
L'Honorable juge Alain Michaud, saisi de la requête, est d'avis que le témoignage d'un associé ne peut priver la Demanderesse de son droit de se représenter elle-même:
[12] La défenderesse fait ici grand état de l’importance et/ou de la nécessité de ce témoignage d’un associé de la demanderesse : elle veut ainsi soutenir l’application de l’article 3.05.06 du Code de déontologie des avocats, et produit la jurisprudence rendue sous l’autorité de cette disposition. 
[13] Or, l’article 3.05.06 ne s’applique pas en l’instance : 
a) parce que cette disposition fait partie de la SECTION III du Code, intitulée« Devoirs et obligations envers le client »; elle régit la relation d’un avocat avec son client; 
b) parce que la relation avocat-client n’est ici aucunement en cause, s’agissant d’une partie demanderesse – incidemment société d’avocats – qui n’est pas autrement représentée par procureur; 
c) parce que, contrairement à l’affirmation du paragraphe 3 de la requête, l’étude d’avocats ici discutée ne représente pas la demanderesse : elle agitcomme demanderesse et se représente elle-même; 
d) parce que Picard Sirard Poitras a parfaitement le droit de se présenter en Cour supérieure sans l’assistance ou la représentation d’un autre procureur.
[14] Dans une situation similaire qui lui était présentée en 2005, la juge Michèle Lacroix résume très bien sa pensée en mentionnant :
[13] Brouillette Charpentier est une partie impliquée dans une poursuite contre un ancien client. 
[14] Une partie a le droit de se représenter elle-même. Rien ne l’empêche. 
[15] Le fait que Me Lebel ou tout autre avocat de cette société soit appelé à témoigner ne rend pas la société inhabile à se représenter. La société ne représente pas un client, elle est son propre client. La société n’a pas de client à protéger. 
[16] On ne peut forcer une partie à recourir aux services d’un avocat. 
[17] Le droit de se représenter seul est accordé à tout justiciable par l’article 61 du Code de procédure civile.
[15] La requête en déclaration d’inhabilité doit donc être rejetée.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/XCeNCG

Référence neutre: [2012] ABD 424

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