mardi 10 avril 2012

La souplesse des tribunaux en matière de passation de titre

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

À une certaine époque, la jurisprudence était très formaliste en matière de passation de titre. Non seulement le prix de vente devait être dûment offert, mais toutes les autres formalités devaient être respectées à la lettre. En l’absence du respect strict de ces formalités, le recours intenté était rejeté presque automatiquement.
 
Mais il y a quelques années, les tribunaux québécois ont pris un virage important en faveur de l’exécution en nature en matière contractuelle. D’ailleurs, le législateur, dans la réforme du Code civil a lui-même élevé l’exécution en nature à titre de mode d’exécution préférentiel à l’article 1590 C.c.Q. Concurremment, ils ont assoupli le formalisme propre aux actions en passation de titre pour, encore une fois, favoriser l’exécution en nature de l’obligation.

Ce courant est bien illustré par la décision récente de la Cour d’appel dans Zanetti c. 2946-6117 Québec Inc. (2012 QCCA 477). Dans cette affaire, non seulement la Cour confirme le courant précité, mais elle ajoute que, dans la mesure où la preuve fait voir un échange de consentement qui lie les parties, les tribunaux doivent faire preuve de souplesse pour assurer l'accomplissement de cet engagement contractuel.

Dans cette affaire, l'Appelante demande le renversement du jugement de première instance qui a rejeté son action en passation de titre au motif que les délais à rendre l'engagement "ferme" étaient trop longs. Elle fait valoir que les parties ont validement échangé consentement et que la Cour devrait donner effet à celui-ci.

La Cour d'appel renverse la décision de première instance et, ce faisant, saisit l'occasion de discuter des principes généraux qui doivent s'appliquer en matière de passation de titre. À cet égard, la Cour indique que la flexibilité est de mise et qu’il est définitivement temps de mettre de côté le formalisme d’antan:
[74] Si c’est le cas, il doit favoriser l’exécution du contrat en s’assurant bien sûr que le vendeur sera payé et que le contrat de vente est conforme à la promesse. Ici la souplesse s’impose, je dirais même la créativité.
La possibilité que cette approche et l'absence de formalisme puissent engendrer des abus n’est pas un motif pour que les tribunaux s’éloignent de l’approche flexible selon la Cour. À cet égard, elle note qu'il existe des mécanismes qui permettront au juge de première instance de sanctionner les abus (entre autres, en utilisant les pouvoirs dévolus à la Cour par les articles 54.1 et suivants du Code de procédure civile).

Tel que mentionné plus haut, cette décision ne fait que confirmer l’approche adoptée par les tribunaux récemment. Sans vouloir être exhaustif, l’on peut également citer les affaires (a) Nazarian c. Abadjian (2011 QCCS 4069), où le juge Eva Petras émettait l’opinion que les formalités afférentes à l’action de passation de titre pouvaient être complétées après le jugement accueillant l’action, (b) Lévesque-Albert c. Paradis (2011 QCCS 6380), où le juge Gilles Blanchet indiquait qu’on ne pouvait présumer de la renonciation à la passation de titre et (c) Hamel c. Mono-Lino Inc. (2011 QCCA 1641), où la Cour d’appel souligne que le défaut de consigner le prix de vente d’un immeuble n’est pas fatal au recours en passation de titre.

Référence neutre: [2012] ABD 109

Le présent texte a initialement été publié sur Droit Inc. (www.droit-inc.com).

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