mercredi 29 décembre 2010

Un échange de correspondance est parfois suffisant pour conclure à l'existence d'une transaction

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Les tribunaux ont eu maintes opportunités de poser le principe voulant que la conclusion d'une transaction au sens de l'article 2631 C.c.Q. n'exige aucun forme particulière ou sacro-sainte. La récente décision rendue dans Canadian Road Leasing Company/Compagnie de location de crédit Ford du Canada c. Clôtures des moulins inc. (2010 QCCQ 11265) illustre bien ce principe, la Cour du Québec en arrivant à la conclusion qu'un échange de correspondance entre procureurs est suffisant.
Dans cette affaire, les parties au litige concluent un règlement à l'amiable. Bien que ce règlement n'est pas enchassé dans une convention écrite, celui-ci est confirmé par la correspondance du procureur de la Demanderesse adressée aux procureurs des Défendeurs. Deux des Défendeurs faisant défaut de payer les sommes prévues au règlement, une requête en homologation de la transaction est déposée devant la Cour.

L'Honorable juge Daniel Dortélus rappelle d'abord que la transaction n'est régie par aucun formalisme particulier:
[4] La transaction est le contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître, elle est indivisible quant à son objet, elle a autorité de la chose jugée entre les parties et elle n’est susceptible d’exécution qu’après avoir été homologuée, c’est ce que prévoient les articles 2631 et 2633 C.c.Q. qui s’appliquent en l’espèce.
[5] Dans la cause Huot c. Services financiers Gilles Ducharme inc., la Cour supérieure, sous la plume de l’honorable Maurice Laramée, a décidé que la transaction est un contrat formé dès l'accord des parties et non par un écrit qui ne viendra jamais.
[6] Traitant de condition de forme de la transaction, dans la cause Ville de Percé c. Placements Gilles Jean inc., l’honorable juge André Denis, de la Cour supérieure, écrit :
« La transaction n'est soumise à aucune forme de procédure spéciale. Kielo c. Vekteris, (1975) C.A. 856
Le contrat de transaction n'est pas assujetti à des formalités particulières. Il pourrait être conclu verbalement ou, comme en l'espèce, par correspondance. Il pourrait s'inférer également des gestes des parties ou de leurs mandataires, comme pour n'importe quel autre contrat.
On ne doit pas confondre, d'ailleurs, le contrat et sa réalisation. La mise en application d'une transaction nécessite souvent l'exécution d'autres ententes ou actes juridiques. Cela n'empêche pas que le contrat lie toujours les parties, de sorte que l'un ou l'autre puisse exiger l'exécution en nature des obligations prévues. Voilà en effet l'objectif de l'homologation : rendre exécutoires ces obligations advenant le refus de l'une ou l'autre des parties de donner suite à la transaction valablement conclue. Morin c. Villeneuve, R.E.J.B. 2000-21573 . »
[7] Ces principes sont applicables en l'espèce.
Pour conclure à une transaction, la Cour doit retrouver les trois éléments suivants: (1) un litige entre les parties, (2) un compromis ou des concessions réciproques et (3) une entente sur les éléments essentiels du règlement à l'amiable. Puisque ces trois éléments sont présents en l'instance, le juge Dortélus n'hésite pas à donner effet à la transaction. D'ailleurs, il note que la jurisprudence a déjà reconnu qu'un échange de correspondance qui remplit les critères mis de l'avant ci-dessus suffit pour conclure une transaction:
[9] Le fait que les défendeurs refusent de collaborer pour donner suite à la transaction intervenue entre les parties n'affecte pas la validité de celle-ci et ne peut pas empêcher l'homologation de la transaction, selon le Tribunal.
[10] Dans la cause Club de golf Rivermead c. Rhéau Séguin, l'honorable Raymond Séguin a décidé qu'une transaction peut intervenir sur la base d'échanges de correspondance entre les procureurs des parties et qu'aucune forme précise n'est nécessaire pour conclure une transaction; il écrit :
« [7] Il s'ensuit que la transaction peut prendre naissance sous toute autre forme, soit par entente verbale ou encore par un échange de lettres qui démontre un accord des volontés des deux parties. En somme, il y a existence d'une transaction dès qu'il est établi, qu'un consentement réciproque est donné, tel que l'exige la formation de tout contrat (article 1378 C.C.Q.), soit pour prévenir une contestation, soit pour mettre fin à un litige. »
Référence: [2010] ABD 212

Autres décisions citées dans le présent billet:

1. Huot c. Services financiers Gilles Ducharme inc., J.E. 2004-1779 (C.S.).
2. Ville de Percé c. Placements Gilles Jean inc., J.E. 2004-2174 (C.S.).
3. Club de golf Rivermead c. Rhéau Séguin, (2000) AZ-50078123 (C.Q.).

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