mardi 10 août 2010

Recours du représentant prescrit? Pas d'autorisation du recours collectif selon la Cour d'appel

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

L'adage souvent répété que l'autorisation d'un recours collectif n'est qu'un jugement d'intendance qui n'affecte aucun droit substantif des parties ressent les effets d'une érosion juridique puissante! En effet, il se dégage une jurisprudence de plus en plus abondante supportant la conclusion que l'autorisation d'un recours entraîne au contraire la perte de certain moyens de contestation. Cette réalité est bien illustrée par la très récente décision de la Cour d'appel dans Option Consommateurs c. Fédération des caisses Desjardins du Québec (2010 QCCA 1416).


Rappelons d'abord que, selon les enseignements de cette même Cour, la démonstration faite après l'autorisation que la réclamation du représentant du groupe est prescrite n'entraîne pas le rejet du recours collectif. Dans Service aux marchands détaillants ltée (Household Finance) v. Option Consommateurs (2006 QCCA 1319), la Cour s'exprimait ainsi:
[66] D’une part, l’article 1012 C.p.c. prévoit que tout moyen préliminaire doit concerner une partie importante des membres du groupe. Comme la prescription devait être décidée par le juge du fond, il serait illogique de rejeter le recours collectif au motif que le recours d’un seul membre est prescrit, bien qu’il soit le membre désigné, alors que le recours individuel de la majorité des membres ne l’est pas.

[67] D’autre part, l’on ne saurait mettre de côté le bénéfice des réponses fournies par le tribunal aux questions collectives soulevées par les membres du recours. En l’espèce, il s’agissait de déterminer si la clause imposant des frais de retard était non conforme à la Loi. La déclaration de droit vaut pour l’ensemble du groupe.

Or, dans l'affaire qui nous intéresse, la Cour d'appel confirme le refus d'autoriser le recours collectif envisagé au motif que le recours du membre désigné est, à sa face même, prescrit:
[9] Je crois utile de préciser d’entrée de jeu que, au stade de la demande d’autorisation, il est acquis au débat entre les parties que l’examen de la conformité avec les exigences de l’article 1003 C.p.c. porte sur le recours de Mme Collins, requérante originaire et membre désigné depuis l’amendement ayant eu pour effet d’ajouter Option Consommateurs comme partie requérante.

[10] Abstraction faite de toute autre considération, le recours de Mme Collins pose ici problème à l’égard de chacune des intimées sous le rapport de la prescription. Suivant la prétention des appelantes, Mme Collins recherche le remboursement de la pénalité qui lui aurait été illégalement soutirée le 21 septembre 2001. S’agissant d’un droit personnel, cette réclamation en restitution de l’indu et en dommages se trouve assujettie à la prescription de 3 ans. Il s’ensuit que le droit de Mme Collins était éteint au moment où elle a déposé sa requête en autorisation le 21 mars 2007, à moins, bien sûr, qu’un événement ne soit venu interrompre ou suspendre le cours de
cette prescription.

[...]

[32] En conclusion, le recours contre la Fédération doit échouer parce que, comme le décide la juge de la Cour supérieure, Mme Collins n’entretient pas de lien de droit avec elle. De surcroît, il est aussi prescrit parce que les appelantes invoquent des faits qui remontent à plus de trois ans et que le recours « Hurtubise » n’a pas eu d’effet suspensif en faveur de Mme Collins. Quant au recours contre la Caisse, il doit aussi échouer pour cause de prescription. Je préciserai que, si le « recours Hurtubise » n’a pas suspendu la prescription à l’égard de la Fédération parce que Mme Collins n’a jamais fait partie du groupe cible, a fortiori n’a-t-il pu avoir cet effet à l’égard de la Caisse, une personne morale qu’il ne visait d’ailleurs pas.
Il semble donc clair que la question de la prescription du recours du représentant ou du membre désigné mène à des conclusions différentes avant et après l'autorisation du recours. Il s'ensuit donc que les parties défenderesses qui soupçonnent que le recours du représentant ou du membre désigné est prescrit seraient bien avisées d'explorer cette question à fond avant l'autorisation et de demander à la Cour de les autoriser à procéder à un interrogatoire sur celle-ci.

Référence : [2010] ABD 58

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