
Renno Vathilakis Inc.
Nous avons à plusieurs reprises traité de la question de la responsabilité de l'alter ego en droit québécois pour souligner que ce seul statut est insuffisant. Le fait pour une compagnie d'être l'alter ego d'une autre n'engage pas sa responsabilité pour les dettes de la seconde à moins de remplir les critères de l'article 317 C.c.Q. La Cour d'appel vient de réitérer clairement cet état du droit dans l'affaire Rodi Design inc. c. Trust d'investissement immobilier Calloway inc. (2025 QCCA 580).
Dans cette affaire, l'Intimée tente d'exécuter un jugement contre sa débitrice sans succès. Elle saisit alors après jugement les biens d'une autre personne morale qu'elle considère l'alter ego de sa débitrice. Cette autre personne s'oppose à la saisie au motif qu'elle est un tiers.
Le juge de première instance rejette l'opposition au motif qu'il s'agit de sociétés « sœurs » détenues par la même personne ou par des personnes liées. Le juge estime que cette connexité, ainsi que le fait que l’Appelante fait affaires sous l’ancien nom de la débitrice lorsqu’en opération, et dans un immeuble qui correspond à l’adresse commerciale de la débitrice, suffit à justifier la saisie, même si les différentes « manœuvres » effectuées entre les sociétés « sœurs », dont l’achat des actifs de la débitrice, paraissent « techniquement » légales.
Une formation unanime de la Cour d'appel composée des Honorables juges Savard, Marcotte et Kalichman intervient et casse le jugement de première instance. La Cour indique que le fait qu'une compagnie soit l'alter ego de l'autre n'implique pas qu'elle soit responsable de ses dettes en l'absence de fraude, abus de droit ou contravention à une règle d'ordre public:
[6] Pour lever le voile corporatif, il ne suffisait pas d’alléguer que l’appelante était l’alter ego de 9253; encore fallait-il démontrer qu’elle a invoqué sa personnalité juridique en vue de masquer « la fraude, l’abus de droit ou une contravention à une règle intéressant l’ordre public ». Or, non seulement les intimées n’ont pas fait une telle démonstration, mais devant le juge, elles ont prétendu que pour lever le voile corporatif, elles devaient simplement démontrer que l’appelante était l’alter ego de 9253. Elles avaient tort. De plus, l’affirmation du juge selon laquelle « la transparence dans les relations d’affaires constitue une règle intéressant l’ordre public » n’est étayée ni par la jurisprudence, ni par la doctrine, ni par les faits particuliers de l’espèce. Quoi qu’il en soit, le manque de transparence auquel le juge fait référence concernait la relation entre 9253 et 396, plutôt qu’entre 9253 et l’appelante.
[7] Enfin, il convient d’ajouter que l’achat par l’appelante des actifs de 396, y compris le nom « Rodi Design inc. », a fait l’objet d’un jugement en dévolution rendu par la Cour supérieure dans le cadre des procédures relevant de la LFI et que ce jugement, qui n’a pas fait l’objet d’un appel, soutient l’opposition. Le juge a donc commis une erreur en considérant que cela n’avait pas d’incidence sur son analyse.
[8] En somme, son jugement est entaché d’erreurs révisables qui justifient l’intervention de la Cour.
Référence : [2025] ABD 195
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