mardi 21 décembre 2010

Selon un jugement récent, il suffit d'une obligation contractuelle exécutée au Québec pour donner compétence aux tribunaux québécois

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

En matière d'action personnelle à caractère patrimonial, c'est l'article 3148 C.c.Q. qui détermine principalement la juridiction des tribunaux québécois. Les critères qui y sont décrits aux paragraphes 1 à 5 sont alternatifs, en ce qu'il suffit qu'un seul d'entre eux soit rencontré pour conférer juridiction aux tribunaux québécois. C'est ce que nous confirme la décision récente de la Cour supérieure dans Dégust-Mer inc. c. Mazetta Company, l.l.c. (2010 QCCS 6100).


La Demanderesse intente une action sur compte pour marchandises livrées. Il s'agit en l'occurrence de homard congelé. La Défenderesse, qui n'a aucune place d'affaires au Québec, conteste la juridiction des tribunaux québécois. À cet effet, elle allègue de plus que les biens en question ont été livrés dans l'état de New York.
L'Honorable juge Jean-Roch Landry rappelle d'abord qu'un seul des facteurs de rattachement doit être rencontré pour conclure à la juridiction des tribunaux québécois:
[8] Un seul des facteurs énumérés à cet article, selon une jurisprudence constante, est suffisant pour asseoir la compétence internationale des tribunaux du Québec, dont celui choisi par Dégust-Mer.
Le débat est centré sur le paragraphe 3 de l'article 3148 C.c.Q. qui prévoit que les tribunaux québécois auront compétence quand "[...] l'une des obligations découlant d'un contrat devait y être exécutée". En l'instance, c'est à Gaspé qu'ont été exécutées certaines des obligations de la Demanderesse, de sorte que le juge Landry en vient à la conclusion que les tribunaux québécois ont compétence:
[11] Il s'agit d'un contrat de vente et de livraison de homard transformé et congelé au Québec.
[12] La transformation et la congélation de chair de homard, à savoir des queues, suivant les spécifications du contrat (grosseurs et poids), outre la livraison, sont également des obligations de Dégust-Mer aux termes du contrat intervenu avec Mazzetta.
[13] L'exécution de ces obligations inhérentes au contrat ont eu lieu au Québec.
[14] Ainsi, deux des obligations du contrat, au sens de l'article 3148 (3º) du Code civil, la transformation et la congélation du produit, devaient être exécutées au Québec.
[15] Cela étant, il n'y a pas lieu de faire droit au moyen déclinatoire.
Commentaires:
Avec grand respect pour l'analyse du juge en l'instance, celle-ci ne nous apparaît pas conforme aux enseignements de la Cour d'appel sur la question. En effet, le paragraphe 3 de l'article 3148 donne juridiction aux tribunaux québécois lorsque "[...] l'une des obligations découlant d'un contrat devait y être exécutée". Il ne s'agit donc pas, comme le souligne la majorité de la Cour d'appel dans Quebecor Printing Memphis Inc. c. Regenair inc., de déterminer où les obligations ont, de fait, été exécutées, mais plutôt de savoir sur quoi les parties s'étaient entendues. Comme le disait le juge Beauregard dans Québécor:
[8] L'obligation de l'intimée était de fournir et d'installer de la machinerie à Memphis, Tennessee, U.S.A. Qu'à cette fin, l'intimée ait eu à fabriquer cette machinerie au Québec n'a pas de pertinence. L'obligation de l'intimée ne devait pas être exécutée en partie au Québec et en partie à Memphis, mais totalement à Memphis. La fourniture et l'installation de la machinerie ne devaient pas être faites en partie au Québec et en partie à Memphis, mais totalement à Memphis.
Dans la mesure où une des obligations stipulées au contrat était de transformer et congeler le homard (ce qui le paragraphe 26 du jugement laisse sous-entendre), encore aurait-il fallu démontrer que les parties avaient convenu que cette obligation serait exécutée au Québec. Or, le jugement est silencieux sur cet aspect.

Référence : [2010] ABD 203

1 commentaire:

  1. La décision a été confirmée en appel (voir: http://bit.ly/Wawu6u) au motif qu'une des obligations devaient être exécutée au Québec, i.e. le paiement.

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